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par lui, et rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans lui ». Il faut donc en conclure que tout ce qui a été fait, était vie dans le Verbe. Mais ce n’était point une vie quelconque, puisque « cette vie était la lumière des hommes », c’est-à-dire la lumière des êtres doués de raison. C’est en effet la raison seule qui élève l’homme au-dessus de l’animal, et qui le constitue un homme. Cette lumière n’est donc point la lumière matérielle et sensible qui nous luit des hauteurs du ciel, ou qui se produit par les feux de la terre, lumière qui éclaire tout ensemble l’homme, l’animal et l’insecte. Tous jouissent indistinctement de cette lumière, tandis que la vie qui est dans le Verbe, est exclusivement la lumière des hommes, et cette « lumière n’est pas loin de o chacun de nous, car en elle nous avons la vie, le mouvement et l’être ( Act., XVII, 27, 28 ) ».


CHAPITRE II. L’INCARNATION NOUS DISPOSE A CONNAÎTRE LA VÉRITÉ.


4. Il est cependant des esprits qui ne reçoivent pas cette lumière, parce qu’ils sont aveuglés par l’erreur ou la passion, et c’est pour les guérir et les sauver que le Verbe, « par qui toutes choses ont été faites, s’est fait chair, et qu’il a habité parmi nous (Jean, I, 14 ) ». Nous ne pouvons en effet venir à la lumière qu’autant que nous entrerons en participation de cette vie du Verbe qui est la lumière des hommes. Or, la tache du péché nous rendait impropres et inhabiles à cette participation. Il fallait donc tout d’abord effacer cette tache. Mais le sang du juste et l’humiliation d’un Dieu pouvaient seuls purifier l’homme pécheur et orgueilleux. C’est pourquoi le Verbe s’est fait homme comme nous, à l’exception du péché, afin de nous mériter la vision intuitive de Dieu dont notre nature nous distingue. Car l’homme n’est point un Dieu par sa nature, mais seulement un homme ; et parce qu’il a péché, il n’est point juste. Mais en se faisant homme, le Verbe demeure le juste par excellence ; aussi intercède-t-il auprès de Dieu pour l’homme pécheur. Et en effet, si le pécheur ne peut s’approcher du juste, l’homme peut s’approcher de l’homme. Ainsi, le Verbe en prenant la ressemblance de notre nature, a effacé la dissemblance de notre péché, et en se faisant participant de notre mortalité, il nous a faits participants de sa divinité. La mort que méritait le pécheur et qu’il devait nécessairement subir, a donc été remplacée par la mort du juste qui s’y est volontairement offert, et qui par ce seul acte a payé la double dette de l’homme. Et en effet, quel n’est pas en toutes choses le prix de la convenance, du rapport, de la consonance et de la jonction qui unit deux objets entre eux ? C’est ce que les Grecs, si je rends bien ma pensée, nomment harmonie. Au reste, ce n’est pas ici le lieu de prouver combien est agréable cette relation de l’unité à la dualité. Il suffit de dire que le sentiment de cette harmonie est essentiellement inné en nous, et qu’il ne peut nous venir que du Dieu qui nous a créés. Aussi ceux-mêmes qui sont étrangers à toute science musicale, ne laissent pas que d’y être sensibles, soit qu’ils entendent chanter, soit qu’ils chantent eux-mêmes. C’est en effet l’harmonie qui fait concorder entre eux les divers tons de la musique, en sorte que notre oreille, bien plus que l’art que plusieurs ignorent, est soudain grièvement offensée lorsque ses règles sont violées. Mais cette démonstration m’entraînerait trop loin, et d’ailleurs j’en abandonne le développement à quiconque possède la théorie et la pratique du diapason..


CHAPITRE III. L’UTILITÉ DE LA MORT ET DE LA RÉSURRECTION DE JÉSUS-CHRIST.


5. Ce qui m’importe en ce moment, c’est d’expliquer, du moins autant que Dieu m’en fera la grâce, comment Jésus-Christ Notre-Seigneur et notre Sauveur, étant une seule personne, a pu se mettre en rapport avec la dualité humaine, et comment il a pu ainsi opérer notre salut. Et d’abord nul catholique ne révoque en doute que nous ne soyons soumis à la mort de l’âme et à celle du corps. La première est un effet du péché, et la seconde est la peine de ce même péché, qui devient ainsi l’auteur de cette double mort. Il fallait donc que l’homme dans son ensemble, c’est-à-dire en son âme et en son corps, s’appliquât un remède de vie et d’immortalité, afin que tout ce qui avait été détérioré en lui, fût renouvelé. Or, la mort de l’âme est le péché mortel, et la mort du corps est la corruption qui sépare l’âme d’avec le corps. Ainsi, lorsque Dieu