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CENTIÈME TRAITÉ.
SUR LES DERNIÈRES PAROLES DE LA MÊME LEÇON. (Chap. 16, 13-15.)


LA VRAIE GLOIRE.

Le Saint-Esprit faisant connaître Jésus-Christ et donnant aux Apôtres le courage de l’annoncer, le glorifiera véritablement, car il ne peut se tromper ni sur la personne du Sauveur ni sur quoi que ce soit : gloire pure et solide, bien différente de celle que peuvent se procurer les hommes sujets à errer. Le Saint-Esprit ne se trompe pas, car, procédant du Père et du Fils, il reçoit de l’un la science de l’autre.

1. Lorsque Notre-Seigneur promit à ses disciples que le Saint-Esprit viendrait en eux, il leur dit : « Il vous enseignera toute vérité » ; ou bien, comme nous lisons dans quelques exemplaires : « Il vous conduira dans toute « vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, « mais il dira tout ce qu’il entendra ». Sur ces paroles de notre Évangile, nous avons déjà exposé ce qu’il a plu au Seigneur de nous révéler. Maintenant, portez votre attention sur celles qui suivent : « Et il vous annoncera », dit Notre-Seigneur, « les choses à venir ». Il n’y a rien ici qui doive nous arrêter, parce que tout est facile à comprendre ; il ne s’y trouve aucune difficulté dont on puisse nous demander l’explication. Mais quant à ce qu’il ajoute : « C’est lui qui me glorifiera, parce qu’il recevra du mien, et il vous l’annoncera », il ne faut pas le laisser passer sans une grande attention. « C’est lui qui me glorifiera ». Ces paroles peuvent s’entendre en ce sens, qu’en répandant la charité dans le cœur des fidèles et en faisant d’eux des hommes spirituels, il leur a fait connaître que le Fils est égal au Père, tandis qu’ils ne le connaissaient auparavant que selon la chair et croyaient qu’il était un homme comme les autres hommes. On peut encore, et sans craindre de se tromper, entendre ces paroles en ce sens, qu’après avoir puisé dans la charité une grande confiance et avoir répudié toute crainte, ils annoncèrent Jésus-Christ aux hommes et qu’ainsi sa renommée s’est répandue dans tout l’univers. Par conséquent, lorsqu’il dit : « C’est lui qui me glorifiera », c’est comme s’il disait : C’est lui qui vous enlèvera toute crainte et vous inspirera pour moi un amour si vif que vous m’annoncerez avec plus d’ardeur, que vous répandrez par toute la terre la bonne odeur de ma gloire, et que vous propagerez l’honneur de mon nom. Ce qu’ils devaient faire dans le Saint-Esprit, il dit que le Saint-Esprit le fera lui-même en eux ; car il s’exprime encore ainsi en un autre endroit : « Ce n’est pas vous qui parlez, mais c’est l’Esprit de votre Père qui parle en vous[1] ». Le verbe grec δοξἀσει, qui se trouve employé ici, les interprètes latins l’ont traduit, les uns par « clarifiera », les autres par « glorifiera » ; car le mot grec δοζα, racine du verbe δοξἀσει, signifie tout à la fois clarté et gloire ; mais comme la gloire produit l’éclat, et que l’éclat produit aussi la gloire, il s’ensuit que ces deux expressions signifient la même chose. Or, les plus célèbres des anciens auteurs latins ont défini la gloire un grand renom accompagné de louanges. Lorsque la gloire de Jésus-Christ se fut répandue dans le monde, il ne faut pas croire qu’elle procura un avantage quelconque à Jésus ; tout l’avantage fut pour le monde. Lorsqu’on loue le bien, l’avantage n’est pas pour le bien qui est louange, mais pour ceux qui le louent.

2. Remarquez-le toutefois : il y a aussi une fausse gloire ; elle est fausse quand tous ceux qui louent se trompent soit pour les choses, soit pour les hommes, soit pour les hommes et les choses. Ils se trompent pour les choses, quand ils regardent comme bon ce qui est mauvais ; ils se trompent dans les hommes, quand ils regardent comme bon celui qui est mauvais ; ils se trompent dans les uns et les autres, quand ils regardent comme vertu ce qui est vice, et que l’homme bon ou mauvais

  1. Mat. 10, 20