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ne sont pas en Dieu à divers endroits d’un corps. Car quand on dit de Dieu qu’il sait, on parle de.tout, cela en même temps, c’est-à-dire qu’il voit, qu’il entend, qu’il sent, qu’il goûte et qu’il touche, sans aucun changement de sa substance, sans aucune étendue plus considérable dans une partie et moindre dans une autre. Celui qui aurait de Dieu cette idée, fût-il un vieillard, raisonnerait comme un enfant.

4. Il ne faut pas t’étonner que la science ineffable en vertu de laquelle Dieu tonnait toutes choses soit, selon les différentes manières de parler des hommes ; appelée des noms de tous les sens corporels : il en est de même de, notre âme, c’est-à-dire de l’homme intérieur ; c’est elle seule qui juge des différentes choses que lui annoncent, comme autant de messagers, les cinq sens du corps. Ainsi, quand elle comprend, choisit et aime l’immuable vérité et qu’elle voit la lumière dont il est dit : « Il était la vraie lumière » ; quand elle entend la Parole dont il est, dit : « Au commencement était le Verbe [1] » ; quand elle perçoit l’odeur dont il est dit : « Nous courrons après l’odeur de vos parfums [2] » ; quand elle boit à la fontaine dont il est écrit : « En vous est la source de vie [3] » ; quand elle jouit de ce toucher dont il est dit : « Pour moi, il m’est bon de m’attacher à Dieu [4] » ; c’est, non pas une chose ou une autre, mais l’intelligence seule qui est désignée sous les noms de tous ces sens. Lors donc qu’il est dit du Saint-Esprit : « Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il, entendra », il faut alors, plus que jamais, concevoir, ou du moins croire que sa nature est simple, puisqu’elle est simple par essence et qu’elle surpasse de beaucoup en hauteur et en largeur la nature de notre âme. Notre âme, en effet, est sujette au changement, puisqu’en apprenant elle reçoit ce qu’elle ne savait pas, et qu’en oubliant elle perd ce qu’elle savait ; elle est trompée par la vraisemblance, au point de prendre le faux pour le vrai, et l’obscurité où la plongent les ténèbres qui l’enveloppent, l’empêche de parvenir au vrai. Cette substance n’est donc pas vraiment simple, puisque, pour elle, être n’est pas la même chose que connaître ; elle peut, en effet, être et ne pas connaître. Mais la substance divine ne peut pas être et ne pas connaître, parce qu’elle est ce qu’elle a. Et elle n’a pas la science de telle manière qu’en elle autre chose soit la science qui lui donne de connaître, et autre chose l’essence qui la fait exister. L’une et l’autre ne sont qu’une même chose. Il ne faut même pas dire l’une et l’autre, puisqu’il n’y a qu’une seule et indivisible chose. « Comme le Père a la vie en lui-même », et il n’est autre chose lui-même que la vie qui est en lui, « il a aussi donné au « Fils d’avoir la vie en lui-même [5] », c’est-à-dire, il à engendré le Fils qui lui-même devait être la vie. Ainsi devons-nous entendre ce qui est dit du Saint-Esprit : « Il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il a entendra ». Nous devons comprendre qu’il n’est pas de lui-même. Le Père seul n’est d’aucun autre ; car le Fils est né du Père et le Saint-Esprit procède du Père. Mais le Père n’est né ni ne procède d’aucun autre. Toutefois, que l’esprit humain ne se figure aucune inégalité dans cette Trinité souveraine. Car le Fils est égal à Celui dont il est né, et le Saint-Esprit est égal à Celui dont il procède. Quelle différence y a-t-il entre procéder et naître ? Il faudrait un long discours pour chercher à le savoir et pour le discuter ; et après l’avoir discuté, on serait téméraire de vouloir le définir ; car il est très-difficile à l’âme humaine de le comprendre, et bien qu’elle puisse y comprendre quelque chose, il est très-difficile à la langue de l’expliquer, quel que soit le docteur qui parle, et quel que soit celui qui écoute. « Il ne parlera donc pas de lui-même », parce qu’il n’est pas de lui-même ; « mais il dira tout ce qu’il entendra » ; il l’entendra de Celui dont il procède. Pour lui, entendre, c’est savoir, et savoir, c’est être ; je l’ai expliqué tout à l’heure. Donc, comme il est non pas de lui-même, mais de Celui dont il procède, sa science lui vient de Celui dont il tient son essence ; c’est donc de celui-là qu’il entend, ce qui n’est pas, pour lui, autre chose que savoir.

5. Et ne soyez point surpris que le verbe soit placé au temps futur. Il n’est pas dit, en effet ; « Il dira » tout ce qu’il a entendu, ou tout ce qu’il entend, mais bien « tout ce qu’il entendra » : Cette action d’entendre est éternelle, comme l’est aussi la science. Or, dans ce qui est éternel, sans commencement et sans fin, à quelque temps que soit le verbe,

  1. Jn. 1, 9, 1
  2. Can. 1, 3
  3. Psa. 35, 10
  4. Id. 72, 28
  5. Jn. 5, 26