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fécondité à ceux qu’il voulait nourrir dorénavant.d'une viande plus solide. « C’est pourquoi », leur dit-il, « laissant les instructions que l’on donne aux novices dans la foi de Jésus-Christ, élevons-nous à ce qu’il y a de plus parfait, sans jeter de nouveau les fondements de la foi en Dieu et de la ; pénitence des œuvres mortes, de la doctrine du baptême et de l’imposition des mains, de la « résurrection des morts et du jugement éternel [1] ». Voilà ce lait si riche sans lequel ne peuvent vivre ceux qui ont assez l’usage de la raison pour pouvoir croire, quoiqu’ils soient encore incapables de discerner le bien du mal, non pas par la foi, mais par l’intelligence. (Cette faculté appartient exclusivement à. ceux qui font usage d’une nourriture plus forte). Toute la doctrine que l’Apôtre a rappelée sous le nom de lait, est celle qu’enseignent le symbole et l’oraison dominicale.
6. Mais loin de nous la pensée qu’il y ait rien de contraire à ce lait dans cette nourriture plus forte réservée uniquement à l’intelligence assez ferme pour comprendre les choses spirituelles, et qui devait être donnée aux Colossiens et aux Thessaloniciens, puisqu’elle leur faisait défaut. Or, en ajoutant ce qui manque, on ne condamne nullement ce qui existait déjà. S’il est question des aliments que nous prenons, la nourriture plus forte est si peu opposée au lait, qu’elle se change en lait elle-même, afin de devenir propre aux enfants, auxquels elle arrive par le sein de la mère ou de la nourrice. Ainsi, la sagesse même, notre mère, est la nourriture solide des anges au plus haut des cieux, et pourtant elle a daigné en quelque sorte se changer en lait pour ses petits enfants, « lorsque le Verbe s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous[2] ». Mais le même Jésus-Christ homme, qui dans sa vraie chair, sa vraie croix, sa vraie mort et sa vraie résurrection ; est un lait pur pour les petits enfants, les hommes spirituels qui le comprennent bien, le reconnaissent pour le Seigneur des Anges. C’est pourquoi les enfants ne doivent pas être tellement nourris de lait, qu’ils ne sachent jamais que Jésus-Christ est Dieu ; ils ne doivent pas, non plus, être sevrés au point de ne plus le regarder comme un homme ; en d’autres termes, il ne faut ni les nourrir de lait, à tel point qu’ils ne comprennent pas que Jésus-Christ est le créateur ; ni les en sevrer si complètement qu’ils arrivent à ne plus le regarder comme médiateur. En cela la comparaison tirée du lait maternel et de la nourriture plus solide cesse d’être juste ; il faut lui préférer la comparaison tirée du fondement sur lequel on bâtit. En effet, quand un enfant est sevré et qu’il abandonne la nourriture de son premier âge, il prend des aliments plus substantiels, mais il ne redemande pas le sein de sa mère ; mais Jésus-Christ crucifié est en même temps un lait pour les petits enfants, et une viande pour ceux qui sont plus avancés en fait d’intelligence. La comparaison du fondement est donc plus appropriée à ce que nous disons ; car pour achever une construction, on n’arrache pas le fondement déjà posé, on y ajoute seulement ce que l’on bâtit au-dessus.
7. Puisqu’il en est ainsi, je dirai à tous ceux d’entre nous qui sont enfants en Jésus-Christ, et sans doute le nombre en est grand Approchez-vous de cette nourriture solide de l’esprit, et non de l’estomac. Progressez et apprenez à discerner le bien du mal ; attachez-vous de plus en plus au médiateur, il vous délivrera du mal, non pas en l’éloignant de vous extérieurement, mais en le guérissant au dedans de vous-même s. Et si l’on vous dit Ne croyez point que Jésus-Christ est un vrai homme, ou bien que le vrai Dieu a créé le corps des hommes et des animaux, que le vrai Dieu ne nous a pas donné l’Ancien Testament, et autres semblables choses ; si l’on ajoute que ces choses ne vous ont pas été enseignées plus tôt, c’est-à-dire quand vous étiez nourris de lait, parce que votre cœur n’était pas encore assez robuste pour porter toute la vérité, sachez-le, cet homme vous offre non pas une viande solide, mais un poison. C’est pourquoi le bienheureux Apôtre, s’adressant à ceux qui se regardaient comme parfaits, leur dit qu’il était lui-même imparfait, et ajoute : « Nous tous donc qui voulons être parfaits, ayons ce sentiment ; si vous avez d’autres pensées, Dieu vous éclairera ». Mais il veut les empêcher de se laisser séduire par ceux qui voudraient les détourner de la foi en leur promettant la science de la vérité ; il veut les empêcher de croire que c’était ce qu’il avait prétendu dire par ces mots : « Dieu vous éclairera ». Il ajoute aussitôt : « Toutefois, tenons-nous-en aux vérités que nou

  1. Héb. 6, 1, 2
  2. Jn. 1, 1, 14