Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

privé encore de l’Esprit-Saint, puisqu’il ne l’a pas encore reçu par le baptême, qui ne le lise ou ne l’entende lire avec plaisir ; bien qu’il ne le comprenne pas encore comme il faut ? Comment les Apôtres, même avant de recevoir le Saint-Esprit, n’auraient-ils pas pu porter quelqu’une des choses qui ont été écrites après l’ascension du Seigneur, puisque maintenant les catéchumènes les portent toutes, même avant de recevoir le Saint-Esprit ? Car, si on ne leur explique pas les mystères révélés aux fidèles, ce n’est point qu’ils ne puissent les porter ; mais en voilant ces mystères à leurs yeux et en les enveloppant d’un secret respectueux, on veut leur inspirer un désir plus ardent de les connaître.
4. C’est pourquoi, mes très-chers, ne vous attendez pas à ce que nous vous parlions des choses que le Seigneur n’a pas voulu alors dire à ses disciples, parce qu’ils ne pouvaient encore les porter ; avancez-vous plutôt dans « la charité répandue en vos cœurs par l’Esprit-Saint qui vous a été donné[1] » ; par là, votre esprit se remplira de ferveur, votre cœur aimera les choses spirituelles ; ainsi pourrez-vous saisir cette lumière et cette voix spirituelles, que les hommes charnels ne peuvent supporter, qui ne brille nullement aux yeux du corps, qui ne fait entendre aucun bruit aux oreilles du corps, mais qui se manifeste à la vue et à l’ouïe intérieures de l’âme ; car on n’aime pas ce qu’on ignore entièrement. Mais comme on aime ce que l’on connaît même faiblement, l’amour fait qu’on en vient à connaître mieux et plus entièrement. Si donc vous faites des progrès dans la charité que l’Esprit-Saint répand dans vos cœurs, « il vous enseignera toute vérité » ; ou selon que portent d’autres textes, « il vous conduira dans toute vérité ». C’est pourquoi il a été dit : « Conduisez-moi, Seigneur, dans votre voie, et je marcherai dans votre vérité[2] ». Et ainsi vous n’aurez point pour maîtres des personnes qui vous parlent extérieurement pour vous apprendre ce que le Seigneur n’a pas voulu dire alors ; Dieu lui-même vous instruira[3]. De la sorte, tout ce que vos lectures et les discours dont vos oreilles ont retenti, vous ont appris, et tout ce que vous avez cru touchant la nature de Dieu, qui n’est ni corporelle, ni renfermée enun lieu, ni étendue comme une grande masse dans des espaces infinis, mais qui est tout entière partout et parfaite et infinie, vous pourrez vous en faire une idée, salis avoir recours ni à l’éclat des couleurs, ni aux figures formées par des lignes, ni aux sons des lettres, ni à une suite de syllabes ; vous pourrez le comprendre par l’intermédiaire seul de votre intelligence. Mais ce que je vous dis est peut-être du nombre des choses que le Christ n’a pas voulu dire à ses Apôtres, et cependant, vous l’avez reçu ; et non seulement vous avez pu le porter, mais vous l’avez entendu avec plaisir. Lorsqu’il parlait encore extérieurement à ses disciples, le Christ leur dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant » ; pourtant, si ce maître intérieur voulait nous dire ce que je viens de dire sur la nature incorporelle de Dieu, et nous le dire intérieurement comme il le dit aux saints anges, qui voient toujours la face du Père [4], nous ne pourrions pas encore le porter. Aussi, je ne pense pas que cette parole : « Il vous enseignera toute vérité », ou bien, « il vous conduira dans toute vérité », puisse s’accomplir en cette vie dans l’âme de chacun. (Car, quel homme vivant dans ce corps qui se corrompt et qui appesantit l’âme[5], peut connaître toute vérité, puisque l’Apôtre nous dit : « Nous ne connaissons qu’en partie ? ») Mais par le Saint-Esprit, dont nous recevons le gage dès à présent[6], nous parviendrons un jour à la plénitude parfaite de la science dont nous parle le même Apôtre, lorsqu’il dit : « Mais alors nous verrons Dieu face à face », et encore : « Maintenant je ne le connais qu’en partie, mais alors je le connaîtrai comme je suis connu de lui [7] ». Paul voulait dire qu’en cette vie nous ne savons pas tout ; c’est là un degré de perfection que le Seigneur nous a promis pour l’avenir, comme un effet de la charité de l’Esprit-Saint ; car il nous a dit : « Il vous enseignera toute vérité » ; ou bien : « Il vous conduira dans toute vérité ».
5. Cela étant, mes très-chers frères, je vous avertis, dans la charité de Jésus-Christ, d’éviter les séducteurs impurs et les sectes saturées de turpitude dont l’Apôtre dit : « Mais ce qu’ils font en secret, il est honteux de le dire[8] ». Après vous avoir enseigné ces impuretés

  1. Rom. 5, 5; Jean, 6, 45
  2. Ps. 85, 11
  3. Jn. 6, 45
  4. Mt. 18, 10
  5. Sag. 9, 15
  6. 2 Cor. 1, 22
  7. 1 Cor. 13, 9, 12
  8. Eph. 5, 12