vil devient précieux en raison de ses sentiments religieux. J’ose même le dire : de côté et d’autre c’est l’œuvre du Christ, sans doute ; mais il y a, de sa part, un miracle plus admirable, quand, avec un pécheur, il fait un juste, que quand, avec de l’eau, il fait du vin ; car, en pareille circonstance, plus l’homme devient précieux, plus ce changement l’emporte sur l’autre. Dans le premier cas, il n’exerce sa puissance que sur un élément sorti de ses mains, c’est-à-dire sur l’eau ; dans le second cas, il l’exerce sur l’homme, qui est son image ; ici, les apparences, la couleur et le goût de l’eau se transforment en vin ; là, chose vraiment plus étonnante ! c’est toujours le même homme, et, pourtant, il n’est plus le même : extérieurement c’est toujours lui ; il devient tout différent à l’intérieur. Le Seigneur a dit. « Moi, je tuerai, et moi, je ferai vivre[1] ». Comment Dieu peut-il faire vivre, s’il tue ? Il tue de la même manière qu’il fait vivre ; car, dans un seul et même homme, il tue l’impie et fait vivre l’innocent.
4. Comme nous l’avons dit précédemment, on croit donc que c’est en ce jour que le Christ a reçu les adorations des Mages. Une étoile extraordinaire avait brillé à leurs yeux : aussitôt ils se mirent sous sa conduite, et tandis que, sur terre, leurs pieds marchaient, leurs yeux suivaient, dans le ciel, sa trace de feu. Aussi, lorsqu’ils eurent trouvé Notre-Seigneur Jésus-Christ, « ils se prosternèrent pour l’adorer et lui offrirent, en présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe[2] ». Par la myrrhe, ils faisaient connaître sa condition mortelle ; par l’or, ils le proclamaient roi, et, par l’encens, ils l’adoraient comme Dieu : et, tout en lui offrant leurs présents, ils faisaient don d’eux-mêmes à la divinité. Alors s’accomplit ce qu’avait dit le Prophète : « Avant que l’enfant puisse nommer son père et sa mère, il recevra la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie[3] ». Le peuple de Damas, possesseur d’immenses richesses, a vraiment donné sa puissance au Seigneur, lorsque les Mages ont offert au Christ l’or qui était le maître des Gentils. Les dépouilles de Samarie, c’est-à-dire, de la gentilité, car Samarie en était l’emblème, lui ont été données au moment où, par l’accession des Mages à la foi, la gentilité a paru dépouillée de tous ses biens. Dans leur personne, en effet, ont été dédiées au Sauveur les prémices des nations ; car ils ont annoncé, par leur exemple, ce qui s’est accompli dans la suite, c’est-à-dire, que les Gentils, amenés par la foi, viendraient un jour, à notre Seigneur et Sauveur, et que, des extrémités de la terre, des peuples accourraient, qui reconnaîtraient en Jésus-Christ leur Maître et leur Dieu. Il était bien loin du pays des Mages, et néanmoins ils sont venus à sa recherche : il était né chez les Juifs ; et les Juifs l’ont méprisé. Ceux-là l’ont adoré, bien que les pauvres langes dont il était enveloppé le rendissent encore méconnaissable ; ceux-ci l’ont attaché à une croix, malgré les prodiges éclatants qui dénotaient sa puissance. Les Prophètes d’abord, et ensuite les Mages, l’ont annoncé, afin de rendre inexcusable l’homme qui ne reconnaîtrait pas le Seigneur dans la personne du Christ. Les Juifs ne pouvaient donc avoir aucun motif d’excuse en ne le reconnaissant pas, puisque leurs Prophètes l’avaient prédit ; il devait en être de même pour les Gentils incrédules, puisque les Mages avaient cru.
5. Il en est dont l’opinion est que notre Seigneur et Sauveur aurait encore été baptisé en ce même jour ; si la chose était vraie, nous aurions tout motif de célébrer cette tête avec la plus grande solennité. En ce cas, notre Seigneur et Sauveur, après nous avoir déjà fait naître, nous enseignerait aujourd’hui qu’il nous faut aussi prendre une nouvelle vie ; après nous avoir accordé le bienfait d’une première naissance, il nous aurait encore gratifiés d’une seconde, en vue de laquelle, et tout en nous donnant un exemple salutaire, il aurait sanctifié l’eau où les hommes devaient puiser la grâce.
6. Aussi, mes très-chers frères, devons-nous célébrer avec respect le jour où le Seigneur a été honoré soit par d’admirables prodiges, soit par la visite des Mages. Nous avons solennisé sa naissance, solennisons de même sa manifestation : évidemment, la loi ne nous eût procuré aucun avantage, si, en vertu des hauts conseils de Dieu, le Christ n’était pas venu en ce monde ; par la même raison, les hommes auraient peu profité du bienfait de sa naissance, s’ils n’avaient pas cru en lui. C’est pourquoi, frères bien-aimés, craignons toujours, aimons incessamment, désirons avec ardeur notre Créateur, le Créateur de toutes choses ; non content de descendre jusqu’à nous, il a voulu encore nous fournir