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puisqu’ils recherchaient la gloire de Dieu, et non celle des hommes ! Que signifient donc ces mots : « Ils vous mettront hors des synagogues ; mais l’heure vient » ; quand il semble que Jésus aurait dû dire plutôt : Et l’heure vient, « où quiconque vous tuera croira rendre hommage à Dieu ? » Il ne dit pas non plus : Mais l’heure vient où ils vous tueront ; comme pour leur annoncer que la mort les consolerait de cette séparation, il dit : « Mais l’heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage à Dieu ». Notre-Seigneur n’a pas voulu leur marquer et leur faire entendre autre chose que la joie qu’ils ressentiraient après avoir été chassés des assemblées des Juifs. Vous gagnerez tant de fidèles à Jésus-Christ, veut-il leur dire, qu’il ne leur suffira plus de vous chasser, il leur faudra vous faire mourir, de peur que par votre prédication vous ne convertissiez tout le inonde à Jésus-Christ, et que vous ne le détourniez de la pratique du judaïsme, qu’ils regardent comme la vérité divine. Car évidemment c’est des Juifs qu’il veut parler ici, comme c’est d’eux qu’il a dit : « Ils vous mettront hors des synagogues ». Sans doute, certains témoins, c’est-à-dire certains martyrs de Jésus-Christ ont été mis à mort par les païens. Mais, remarquez-le, ces païens, en les mettant à mort, croyaient rendre hommage non à Dieu, mais à leurs faux dieux. Or, ceux d’entre les Juifs qui mettaient à mort les prédicateurs de Jésus-Christ, croyaient rendre hommage à Dieu ; car ils s’imaginaient que c’était abandonner le Dieu d’Israël que se convertir à Jésus-Christ. Telle fut en effet la raison qui les poussa à faire mourir Jésus-Christ lui-même. Car ce sont eux qui ont prononcé ces paroles : « Vous voyez que tout le monde court après lui[1] ! Si nous le laissons faire, les Romains viendront et ils ruineront et notre ville et notre nation ». Caïphe n’a-t-il pas dit encore : « Il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas[2] ? » Dans ce discours, Notre-Seigneur encourageait donc ses disciples par son exemple en leur disant : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi[3] », et comme en me mettant à mort ils croiront rendre hommage à Dieu, il en sera de même pour vous.
4. Voici donc le sens de ces paroles : « Ils vous mettront hors des synagogues » ; mais n’ayez pas peur de vous trouver seuls ; car à peine séparés de leur assemblée, vous réunirez un si grand nombre d’hommes en mon nom, que craignant de voir leur temple désert et tous les sacrements de l’ancienne loi abandonnés, ils vous mettront à mort et, en répandant votre sang, ils croiront rendre hommage à Dieu. C’est là ce que l’Apôtre nous dit à leur sujet : « Ils ont le zèle de Dieu, mais leur zèle n’est pas selon la science [4] » ; car ils croient rendre hommage à Dieu en mettant à mort ses serviteurs. O égarement horrible ! Eh quoi ! pour plaire à Dieu tu fais mourir ceux qui lui plaisent et tu détruis par la mort le temple vivant de Dieu, dans la crainte de voir son temple de pierre abandonné ! O aveuglement exécrable ! Mais une partie d’Israël y est tombée, afin que la plénitude des nations entrât dans l’Église. Je dis une partie d’Israël, et non pas Israël tout entier ; car toutes les branches n’ont pas été brisées ; il n’y a eu de rompus que quelques rameaux à la place desquels a été greffé le sauvageon[5]. En effet, lorsque les disciples de Jésus-Christ furent remplis du Saint-Esprit, ils se mirent à parler toutes sortes de langues, lorsque par eux furent accomplis un grand nombre de miracles divins, et qu’ils répandirent partout la parole de Dieu, Jésus quoique crucifié fut tellement aimé que ses disciples, après avoir été chassés de l’assemblée des Juifs, réunirent même d’entre les Juifs une grande multitude, et ne craignirent pas d’être seuls[6]. Pour ceux qui restèrent réprouvés et aveugles, ayant le zèle de Dieu, mais non selon la science, ils croyaient rendre hommage à Dieu en faisant mourir ses Apôtres ; mais Celui qui était mort pour eux les rassemblait ; avant sa mort il les avait instruits de ce qui devait leur arriver, car il ne voulait pas que ces maux inattendus et imprévus pussent, malgré leur peu de durée, jeter le trouble dans leurs esprits ignorants et nullement préparés à pareille épreuve. Connues d’avance et endurées patiemment, ces tribulations devaient au contraire les conduire aux biens éternels. Que telle ait été la cause de cette prédiction, c’est ce que nous indique Notre-Seigneur quand il ajoute : « Mais je vous ai dit ces choses, afin que

  1. Jn. 12, 19
  2. Id. 11, 48, 50
  3. Id. 15,20
  4. Rom. 10, 2
  5. Id. 11, 25, 17
  6. Act. 2-4