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part du Dieu d’Israël est son héritage[1] ». Dans cet héritage, comme nous en avons déjà fait la remarque, l’ennemi de l’homme, son adversaire jaloux, n’a aucune part ; aussi a-t-il fait asseoir un gentil sur le trône royal ; en d’autres termes, il y avait placé le tyran Hérode, né au sein de la gentilité, pour exterminer le peuple de Dieu, pour torturer une multitude d’enfants innocents et répandre le sang de nouveau-nés qui n’étaient coupables d’aucune faute. Nous venons d’entendre le Saint-Esprit adjurant Dieu le Père de le punir, en ce passage prophétique : « Vengez le sang de vos serviteurs qui a été répandu[2]». « Que les cris des captifs montent jusqu’à vous[3] ». Oui, il est monté et il demeurera en la présence de Dieu jusqu’au jour du Seigneur, c’est-à-dire qu’au jour du jugement il en sera tiré vengeance.
2. Votre charité n’ignore point, sans doute, que Jean a écrit ces paroles dans l’Apocalypse : « Je vis, sous l’autel, les âmes de ceux qui a ont donné leur vie pour la parole de Dieu et pour rendre témoignage à Jésus ; et tous jetaient un grand cri, disant : Jusques à quand différerez-vous de juger et de venger notre sang sur ceux qui habitent la terre ?[4] » Vengez notre sang, car nous ne sommes nullement séparés de votre charité, comme il est écrit dans la leçon présente : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, les angoisses, la faim[5]? » Vengez le sang d’innocents arrachés au sein de leur mère et toujours unis à vous par les liens de l’amour. Vengez les souffrances, les enfantements, les cris, les douleurs, les pleurs, les larmes, les gémissements désespérés de tant de mères qui n’ont pas rencontré un seul consolateur, suivant cette parole de l’Évangile : « On entendit, dans Rama, une voix et des pleurs, et de grands gémissements : Rachel pleurant ses enfants, et elle ne voulut pas être consolée parce qu’ils ne sont plus[6] ». Et, en réalité, parce qu’ils n’ont point appartenu à ce monde, car, par leur naissance et leur âge, ils ont été les compagnons du Christ. C’est ce que dit l’Évangéliste : « Hérode envoya tuer tous les enfants qui étaient dans le pays d’alentour, depuis l’âge de deux ans et au-dessous, selon le temps indiqué par les Mages[7] ». Qu’est-ce que les Mages lui avaient appris ? Que le Christ, le vrai roi d’Israël, était né selon la chair.
3. A cette nouvelle, Hérode se considéra comme exposé à un grand danger ; il savait, en effet, qu’il n’avait pas le droit de régner sur le peuple de Dieu. Car n’était-il pas une sorte de fugitif et un étranger au milieu de la nation juive ? A ce titre, il ne pouvait demeurer dans les rangs de ce peuple saint ; c’était, pour lui, chose d’autant plus facile à comprendre, qu’un autre roi venait de naître, un roi envoyé de Dieu le Père et non pas choisi par la nation ; un roi doit être tel par droit de naissance, et non par droit d’élection, suivant cette parole du Sauveur : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour cela[8] » : Réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse de ce qu’il est né, et, par lui, rendons-en grâces à Dieu le Père, à qui appartiennent l’honneur et la gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Deut. 32, 9
  2. Apoc. 6, 10
  3. Ps. 78, 11
  4. Apoc. 6, 9,10
  5. Rom. 8, 35
  6. Mt. 2, 18
  7. Id. 16
  8. Jn. 18, 37