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Que devenait son esprit au milieu de tous ces tourments ? Il s’envolait au ciel. N’ayant point voulu se laisser dominer pendant qu’il était uni au corps, son âme n’avait pu céder à la crainte. Voici donc ce qu’ont dit tous les martyrs, nous en trouvons l’écho dans un psaume : « Notre âme a été délivrée, comme le passereau du filet de l’oiseleur. Le filet a été rompu, et nous avons été sauvés. Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a créé le ciel et la terre[1] ». La cage étroite et fragile de son corps est devenue la proie des flammes, et le passereau s’est échappé de sa prison ; l’âme du martyr a recouvré sa liberté, mais, à la fin des temps, Dieu lui rendra son corps. N’est-ce pas, en effet, le Seigneur qui a tiré l’homme du néant ? Et, après avoir daigné compter les cheveux de sa tête, ne lui a-t-il point promis qu’aucune partie de son corps ne périrait ? « Un seul cheveu de a votre tête ne périra pas[2] ». Voilà sa parole.
2. Rougis donc, incrédule Manichéen, qui révoques en doute la résurrection future. Le Christ, Dieu, la Vérité même, n’a pu mentir Eh bien ! il a affirmé qu’un seul cheveu d’homme ne périra pas. Inutile de discuter, quand le Tout-Puissant a fait une promesse. Il n’y aura pas non plus, comme l’a pensé Platon, une transmigration des âmes en d’autres corps, parce qu’un homme ne peut devenir un âne ou un chameau : chacun de nous devra paraître avec son corps au jugement de Dieu. Je le vois, perfide : la raison pour laquelle tu crains de ressusciter, c’est que tu ne veux pas croire ; mais, bon gré, mal gré, tu ressusciteras et reconnaîtras la vérité de ce que tu nies aujourd’hui. Mais je te laisse en paix, je ne veux pas remuer davantage la sale boue de telles contradictions. O homme, dès lors que tu ne chercheras pas à éviter le martyre, tu iras droit au ciel. Bon gré, mal gré, tu mourras en ce monde. Pourquoi, alors, hésiter de mourir pour le Christ, puisqu’à n’en pas douter, il te faudra sortir un jour de ce monde ? Louons donc, frères bien-aimés, et honorons saint Laurent ; car il a conservé dans tout son éclat le précieux diamant de sa foi au milieu de la fumée et des flammes. Toutes les richesses, tous les revenus, toutes les perles et les pierres fines avec leurs nuances multiples et leur éclat, nous seront enlevés avant la mort, ou indubitablement à l’heure de la mort, si tant est que nous puissions les conserver jusqu’à ce moment-là. Mais le trésor de la foi, auquel ne saurait être comparée nulle fortune ; on l’acquiert en recevant le baptême, on le conserve au milieu des tourments, et, après te martyre, on le possède éternellement. D’un côté, tu perds tes richesses, si tu confesses le Christ en souffrant pour lui, et, si tu le renies, tu les conserves ; de l’autre, si tu viens à plier sous l’effort et les menaces des bourreaux, et que tu renies ton Sauveur, tu le perds ; mais si tu le confesses, tu acquiers la palme du martyre.

QUATORZIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DU BIENHEUREUX MARTYR LAURENT.

ANALYSE.- Courage invincible de saint Laurent.

Après que les Apôtres eurent gagné la victoire, Laurent marcha joyeusement au combat et remporta la couronne : son office dans l’église était celui des lévites. Lorsque fut venue l’heure glorieuse de son martyre, le juge sacrilège lui ordonna d’apporter au

  1. Ps. 112, 7,8
  2. Lc. 21, 18