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de leur foi a opéré en eux un prodige que la fécondité de leur mère n’avait pu accomplir ; en d’autres termes, la grâce divine a été plus puissante que la nature humaine. Une femme, si féconde que vous la supposiez, n’a jamais été capable de donner en même temps le jour à sept enfants ; mais cette heureuse et glorieuse Machabée, par la foi, engendré au Christ, et dans le même jour, sept confesseurs martyrs. Réjouissons-nous, mes très-chers frères, de ce que la foi opère un prodige inouï et bien supérieur aux forces génératrices de l’homme. Réjouissons-nous en face des merveilles accomplies par Dieu et des preuves de sa toute-puissance : ces enfants n’ont pu sortir à la fois du sein qui les a conçus, mais le Dieu de majesté les a tous couronnés aujourd’hui.
2. O combien elle est heureuse la mère qui a donné le jour à ces enfants, c’est-à-dire qui les a engendrés dans son corps et par sa charité, au monde et à Dieu, au siècle et au Christ, à la terre et au ciel ! D’abord, elle leur avait donné la vie matérielle, au milieu des angoisses et des pleurs ; aujourd’hui, marchant sur les traces d’Abraham qui offrit son fils à Dieu comme un holocauste sur l’autel de la foi, elle offre joyeusement à l’Éternel chacun de ses enfants, comme une victime. O l’heureuse mère ! Elle n’a entendu aucun d’eux renier son Dieu ; car ils ont tous confessé le Christ ; elle n’en a vu aucun chanceler dans le chemin et nul n’ayant sacrifié aux démons, elle n’a pas eu à gémir de leur apostasie. Elle a ressenti les douleurs de chacun d’eux, mais comme ils ont tous remporté la victoire, elle s’est réjouie pour eux et pour elle-même. O l’excellente femme ! Elle est devenue un bon arbre, car voici ce que dit le Sauveur : « Un bon arbre donne de bons fruits[1] ». Mes frères, les feuilles et les fruits de cet arbre ne sont autres que les paroles saintes et les bonnes œuvres. Au sujet de ce saint arbre, le Prophète s’est exprimé ainsi : « Tes enfants, comme de jeunes oliviers, entoureront ta table[2] ». De plus, remarquez bien ceci, mes frères : En hiver, l’olivier porte des fruits et en été des feuilles ; en hiver, il nourrit celui qui le cultive, et, en été, il lui procure un rafraîchissant ombrage ; avec l’huile de l’olive, l’agriculteur oint sa tête, et il se repose à l’ombre de l’olivier ; car, dit le Psalmiste : « Vous avez répandu l’huile sur ma tête[3] ». Puis il prie et ajoute : « Pour moi, je suis dans la maison du Seigneur, comme un olivier fertile[4] ». C’est une branche d’olivier garnie de fruits, que la colombe a trouvée et rapportée dans l’arche au moment du déluge. Les sept enfants de la Machabée sont donc autant de rameaux d’olivier chargés de fruits, qu’on n’a pu faire pliera l’heure de la persécution.
3. Quelle fut la contenance de leur mère, lorsqu’elle les vit torturés, rôtis, brûlés, et qu’en sa présence chacun de leurs membres fut séparé du tronc, coupé en morceaux, puis jeté au vent ? À l’abri de la crainte et de l’épouvante, elle ne sembla pas même pâlir : elle se tenait à côté d’eux, et ne faiblissait pas ; car Dieu lui-même la soutenait dans sa lutte. Ne livrait-elle pas, en effet, combat pour le maintien des lois de l’Éternel ? Mes frères, quelle grâce le Seigneur a faite à cette bienheureuse femme ! Dans l’ordre des temps, elle avait reçu le jour avant ses enfants, et, le même jour qu’eux, elle s’est trouvée réunie aux esprits angéliques ! Elle les avait mis au monde, et voilà qu’elle est devenue leur sœur pour être entrée avec eux dans l’arène ! Ses yeux avaient, plus tôt que les leurs, aperçu les rayons du soleil, et voilà qu’après avoir souffert au même temps qu’eux, elle est admise, le même jour, à contempler la gloire de son Sauveur ! Quand, de ces sept frères, il ne resta plus que le plus jeune, le roi maudit l’appela comme les autres : caresses, ruses, promesses, tout lui sembla de bon usage pour détourner l’enfant du chemin droit et le séparer adroitement de ses frères. D’abord, il fit miroiter à ses yeux l’espérance de richesses, d’honneurs et de dignités : il offrit de lui donner de l’or, de l’argent, un royaume, un empire ; mais le martyr se moqua de tout, méprisa tout, parce que son cœur était rempli de l’amour de Dieu. Alors, on employa les moyens d’intimidation : on fit approcher toutes sortes d’instruments de tortures ; l’enfant resta insensible à la crainte : ni les présents, ni les menaces du cruel monarque ne furent à même de l’ébranler. Toujours vaincu, condamné à avoir le dessous avec tous, Antiochus fait venir leur mère et l’engage à décider son fils, afin de lui éviter des tourments encore plus affreux que ceux que ses frères ont subis. Il recommande à la mère de l’influencer ; mais à ce dernier pouvait-elle persuader autre chose que ce

  1. Mat. 7, 17
  2. Psa. 127, 3
  3. Id. 22, 5
  4. Psa. 127, 10