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a personne pour t’applaudir, ou te tromper, ou te séduire. Et le témoignage de ta conscience ne te suffit point ? Dans le théâtre de ton âme, sous l’œil de Dieu, pourquoi te troubler ? Je t’en supplie, pourquoi te troubler ? Parce l’on dit de moi beaucoup de mal, voilà ta réponse ? Tu ne serais pas troublé dans la barque de ta confiance, si le Christ n’y dormait. Tu as entendu la lecture de l’Évangile : « Il s’éleva une grande tempête, et le vaisseau était ballotté et couvert par les flots » ; pourquoi ? « Parce que le Christ dormait[1] ». Quand est-ce que Jésus-Christ dort dans ton cœur, sinon quand tu oublies ta foi ? La foi en Jésus-Christ dans ton cœur est comme le Christ dans la barque. Les outrages que tu entends, te fatiguent, te troublent : c’est que Jésus-Christ dort. Éveille Jésus-Christ, éveille ta foi. Tu peux agir, même dans ton trouble. Éveille ta foi, que le Christ s’éveille et te parle. Les outrages te troublent ? Quels outrages n’ai-je pas entendus avant toi et pour toi[2] ? Ainsi te parlera le Christ, ainsi te parlera ta foi. Écoute son langage, et vois à son langage si tu n’as peut-être pas oublié que « le Christ a souffert pour nous ? » et qu’avant d’endurer pour nous de telles douleurs, il entendit des outrages ? Il chassait les démons, et on lui disait. « Vous êtes possédé du démon[3] ». C’est de lui que le prophète a dit : « Les opprobres de ceux qui vous outragent sont tombés sur moi[4] ». Eveille donc le Christ, et il te dira dans ton cœur : « Quand les hommes vous maudiront et diront toutes sortes de mal contre vous, réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux[5] ». Crois à ce qui est dit, et un grand calme s’établira dans ton cœur. Si donc « l’homme se croit quelque chose, il se séduit lui-même, puisqu’il n’est rien ; que chacun éprouve son œuvre, et alors il aura la gloire en lui-même, et non dans un autre ». Qu’on te loue, qu’on te blâme, tu as ta gloire en toi-même, parce que ta gloire c’est ton Dieu dans ta conscience, et tu ressembleras aux vierges sages, qui prirent avec elles de l’huile dans leurs lampes, et eurent ainsi la gloire en elles-mêmes, et non dans un autre[6]. Car celles qui ne prirent point d’huile avec elles, en mendièrent auprès des autres, et leurs lampes s’éteignirent, et elles dirent : « Donnez-nous de votre huile ». Qu’est-ce à dire : « Donnez-nous de votre huile », sinon : Louez nos œuvres, parce que notre conscience ne nous suffit pas ! Autant que le Seigneur m’en a fait la grâce, j’ai expliqué ce qu’il y avait d’obscur dans la lecture de l’Apôtre. Tout le reste est clair et demande moins à être expliqué que mis en pratique. Mais pour pratiquer ce que nous avons entendu, prions Celui sans le secours de qui nous ne pouvons rien faire de bien, puisqu’il a dit à ses disciples : « Sans moi vous ne pouvez rien faire[7] ». Tournons-nous vers le Seigneur, etc. Et après le sermon[8]. – Comme le peuple avait demandé qu’il ne partît point avant la tête de saint Cyprien, il ajouta : Je dois déclarer à votre charité que nous ne sommes plus maîtres de nos désirs, non plus que de supporter des plaintes même dans les lettres ; mais comme l’objet de vos demandes m’était déjà imposé parle saint vieillard, le termine ainsi mon discours : Voici tout près de nous la fête de saint Cyprien ; vous m’avez fait violence pour me retenir, à cause de cette solennité si donc nous sommes avides de la parole, il nous est bon de faire jeûner notre corps.

  1. Mat. 8, 24
  2. 2Pi. 2, 21
  3. Jn. 8, 48
  4. Psa. 68, 12
  5. Mat. 5, 11, ex Itala
  6. Mat. 25, 8
  7. Jn. 15, 15
  8. On trouve souvent de ces additions dans les sermons édités, Les premières paroles viennent de quelque scribe. Ce passage nous confirme ce qu’a dit Possidius dans la vie de saint Augustin, que souvent les évêques et le peuple, chez lesquels se trouvait le saint docteur, non-seulement le suppliaient de prêcher, mais souvent l’y contraignaient ; ce qui n’est pas une moindre preuve de sa grande science et de l’éclatante renommée dont il jouissait.