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dans sa fleur ; le mépriser dans sa fleur est vraiment digne d’éloges, puisqu’on l’aime dans sa ruine. Les martyrs ont méprisé les fleurs, et tu en aimes les épines ! S’il t’en coûte de partir, que ta maison qui s’écroule te cause au moins de l’effroi. Mais voilà qu’un païen te vient insulter. Ah ! c’est pour un païen bien choisir son temps, quand s’accomplissent les oracles du Seigneur. Son insulte viendrait plus à propos, si l’on ne voyait point l’accomplissement de ses oracles. Il abjure le Dieu que tu adores, et toi, par ce qui arrive aujourd’hui dans le monde, prouve que ce Dieu est véridique ; sans t’affliger des prédictions, réjouis-toi des promesses. Il est venu à cette heure où le monde, sur son déclin et près de finir, devait passer par des ruines, des calamités, des angoisses, des souffrances. Il est donc venu pour te consoler, celui qui est venu alors ; pour te soutenir dans les angoisses de cette vie qui périt et qui passe rapidement ; il t’a promis une autre vie. Avant que le monde fût en butte à ces afflictions, à ces calamités, les Prophètes furent envoyés ; ce furent donc les serviteurs qui furent envoyés d’abord à ce grand malade qui était le genre humain, et qui, semblable à un seul homme, gisait de l’Orient à l’Occident. Le Médecin puissant envoya d’abord ses serviteurs. Alors il arriva que ce malade eut de tels accès, qu’il était condamné à souffrir beaucoup. Alors le Médecin dit : Le malade souffrira beaucoup ; ma présence est nécessaire. Que, dans son délire, le malade dise au Médecin : Seigneur, je souffre beaucoup depuis votre arrivée. Insensé, tu souffres depuis mon arrivée ; mais c’est parce que tu devais souffrir que je suis venu. Abrégeons, mes frères, pourquoi parler davantage ? « Le Seigneur a résolu de faire sur la terre un grand retranchement ». Vivons saintement, et, en échange de cette vie sainte, n’espérons point les biens passagers de la terre : un bonheur terrestre serait une récompense peu digne d’une sainte vie ; une vie sainte sur la terre est, néanmoins, au-dessous des désirs que tu y conçois ; et toutefois, avec ces désirs, ta vie est loin d’être sainte ; si tu veux changer ta vie, change aussi tes désirs. Tu gardes ta foi au Seigneur, et cela afin d’obtenir le bonheur ; c’est là ton but. Pourquoi garder ta foi au Seigneur ? Combien vaut ta foi ? Combien l’estimerais-tu ? Quel prix la fais-tu ? Si tu as ici-bas quelque chose à vendre, en faisant un prix avec l’acheteur, tu élèves ce prix, lui l’abaisse ; cela vaut tant, dis-tu, en exagérant quelque   peu comme vendeur ; mais lui : non, mais tant seulement ; et il fixe un prix intérieur, afin d’acheter à meilleur marché. Voilà que le Seigneur Jésus-Christ te corrige. Et toi, tu dis au Seigneur Jésus Seigneur, je vous garde ma foi, récompensez-moi sur la terre. Insensé ! ce que tu voudrais vendre ne s’estime pas ainsi ; tu es dans l’erreur, ne sachant ce que tu possèdes. Tu gardes ta foi et tu demandes la terre ? Ta foi vaut mieux que la terre, et tu ne sais en faire le prix. Moi qui te l’ai donnée, je sais ce qu’elle vaut : elle vaut la terre entière ; à la terre ajoute le ciel, elle vaut plus encore. Qu’y a-t-il donc au-dessus de la terre et du ciel ? Celui qui a fait la terre et le ciel. Tournons-nous vers le Seigneur, etc.