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C’est aujourd’hui que le Seigneur est ressuscité. Si tu hésites quant à ta chose espérée, sois ferme quant à l’espérance. Si le travail te cause du trouble, que la récompense te relève. Dans la première lecture[1] de cette épître que l’Apôtre écrit à Timothée, nous trouvons aussi pour nous ce précepte qu’il lui donne : « Prescrivez aux riches de ce monde de n’être point orgueilleux, de ne point mettre leur confiance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant qui nous donne avec abondance ce qui est nécessaire à la vie. Qu’ils soient riches en bonnes œuvres, qu’ils donnent de bon cœur, qu’ils fassent part de leurs richesses, qu’ils se fassent un trésor et un fondement solide pour l’avenir, afin d’embrasser la véritable vie[2] ». [Et que cette leçon ne nous paraisse pas moins à propos dans cette solennité de nos saints martyrs ; car cette fête nous enseigne aussi le mépris du monde. Dire en effet aux riches de se faire des trésors et un fondement solide pour l’avenir, afin d’embrasser la véritable vie, c’est dire sans aucun doute que cette vie est fausse.] Et surtout, ils doivent s’appliquer cette leçon, ces riches que les pauvres ne sauraient voir sans murmurer, sans louer, sans envier leur sort, sans en désirer un semblable, sans se plaindre de leur infériorité, et au milieu des applaudissements qu’ils donnent à la vie des riches, voici ce qu’ils disent le plus souvent C’est là seulement exister, c’est là seulement vivre. Or, à cause de ces paroles flatteuses que donnent aux riches les hommes de basse condition, [que c’est là vivre, qu’il n’y a de vie que pour eux seuls, de peur que ces adulations ne viennent à les enorgueillir, à leur persuader qu’ils vivent, prescrivez aux riches », dit l’Apôtre, « aux riches de ce monde, de ne point s’enorgueillir, de ne mettre point leur confiance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, qui nous donne avec abondance ce qui est nécessaire à la vie ». Qu’ils soient riches, mais en quoi ? « En bonnes œuvres : qu’ils donnent facilement, car ce n’est point perdre que a donner ; qu’ils veuillent bien faire part de leurs biens à ceux qui n’ont rien. Et qu’en résultera-t-il ? « Qu’ils s’acquièrent un trésor a et un fondement solide pour l’avenir, afin « qu’ils embrassent la véritable justice la, sans croire à ceux qui leur disent qu’ils vivent et qu’il n’y a qu’eux pour vivre.] Cette vie n’est qu’un songe, et ces richesses s’évanouissent comme dans un songe. Écoute le Psalmiste, ô riche très-pauvre : « Ils ont dormi leur a sommeil, et tous ces hommes n’ont trouvé « sous leurs mains aucune richesse[3] ». Quelquefois un mendiant couché sur la terre, tremblant de froid, et néanmoins endormi, rêve à des trésors, et dans son rêve il se livre à la joie et à l’orgueil, il ne daigne plus connaître son père couvert de haillons, et jusqu’à son réveil il est riche. Pendant son sommeil, il goûte une joie fausse, à son réveil il ne trouve de vrai (lue la douleur. Le riche, à sa mort, ressemble donc à ce pauvre qui s’éveille après avoir vu des trésors en songe ; car lui aussi était vêtu de pourpre et de fin lin. Un certain riche qui ; n’est point nommé, et qu’on ne doit point nommer, dédaignait un pauvre couché à sa porte, se revêtait de pourpre et de fin lin, comme le dit l’Évangile, et donnait chaque jour de splendides festins : il mourut et fut enseveli ; il s’éveilla et se trouva dans les flammes. Cet homme donc « dormit son sommeil et ne trouva sous sa main rien de toutes ses richesses », parce que ses mains n’avaient fait aucun bien. C’est donc pour la vie qu’on recherche les richesses, et non la vie pour les richesses. Combien ont pactisé avec l’ennemi, lui ont tout laissé, pour qu’il leur laissât la vie, achetant ainsi la vie au prix de tout ce qu’ils possédaient[4]. À quel prix nous faudra-t-il acheter la vie éternelle, si cette vie qui doit finir est si précieuse ? Donne au moins quelque chose au Christ, afin de vivre heureux, si tu donnes tout au voleur afin de vivre en mendiant. Par ta vie temporelle, que tu rachètes à si grand prix, juge de la vie éternelle, que tu négliges, afin de

  1. Le nom de première lecture s’appliquait autrefois à l’épître après laquelle on chantait des psaumes, puis l’évangile. C’est ce que nous Insinue clairement saint Augustin, sermon CLXXVII, où il appelle indistinctement lectures ces trois objets. Dans notre liturgie actuelle on a conservé le même ordre, mais l’épître seule a retenu le nom de lecture, ou lectio.
  2. 1Ti. 6, 17 et suiv
  3. Psa. 70, 6
  4. On lit dans l’édition : « Ils ont tout donné pour ne point perdre la vie. Tu as donné, ô mon père, tous tes biens aux barbares ! Tout, répond-il, et je suis demeuré nu ; mais nu, je vis encore. Et pourquoi ? on devait me tuer tout à fait, et j’ai tout donné. Et pourquoi ce malheur ? Veux-tu que je te le dise ? Avant la rencontre de ce barbare, tu ne donnais rien au pauvre, de manière à faire parvenir ton aumône jusqu’au Christ au moyen du pauvre. Tu n’as rien donné au Christ, et tu as tout donné aux barbares, tout avec serment. Le Christ demande et ne reçoit rien ; le barbais tors turc et enlève tout. Si tu as acheté à un tel prix une vie périssable, à quel prix, etc.