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la sorte. Ta vie pourra être longue ; si elle est longue, qu’elle soit bonne aussi. Pourquoi voudrais-tu avoir une vie longue et mauvaise ? Peut-être sera-t-elle courte ; et celle qui ne finira point te doit consoler. Ou bien elle sera longue, et où est le mal d’avoir mené longtemps une vie sainte ? Pour toi, tu veux une longue vie de désordre, tu ne veux pas vivre saintement, et pourtant nul ne t’a promis un lendemain. Corrige-toi[1], écoute l’Écriture. Ne méprise pas en moi un homme qui fait sa fête[2]. Je te parle d’après l’Écriture. « Ne tarde point de te convertir au Seigneur. Ces paroles, qui ne sont pas à moi, sont à moi cependant ; elles sont à moi si j’ai la charité. Ayez la charité, elles seront à vous. Ce langage que je vous tiens est de l’Écriture sainte ; si tu le dédaignes, il est ton adversaire. Mais écoute cette parole du Seigneur : « Hâte-toi d’être en accord avec ton adversaire[3] ». (Quelle est cette parole effrayante ? Vous venez chercher la joie. C’est aujourd’hui la fête de votre évêque. Faudrait-il dire une parole capable de vous contrister ? Disons plutôt ce qui peut réjouir ceux qui nous aiment, et irriter ceux qui nous méprisent ; car il vaut mieux encore contrister l’homme dédaigneux que frustrer l’homme fidèle.)

3. Que tous veuillent m’écouter ; ce sont les paroles de l’Écriture que je récite ; ô toi qui temporises et qui soupires après un misérable lendemain, écoute cette parole du Seigneur, écoute cette prédication de la sainte Écriture ; de ce lieu je suis une sentinelle : « Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, ne diffère pas de jour en jour ». Vois si elle ne les a point vus, vois si elle ne les a point examinés, ces hommes qui disent : A demain la vie sainte, aujourd’hui le plaisir. Et quand demain viendra, ce sera ton refrain encore. « Ne tarde point de te convertir au Seigneur, ne diffère point de jour en jour ; car sa colère viendra soudain, et, au jour de la vengeance, il te perdra[4] ». Que faire ? Puis-je effacer ce passage ? je crains d’être effacé moi-même. Le passer sous silence ? je crains le silence à mon égard. Me voilà forcé de le prêcher, d’effrayer les autres, comme je suis effrayé moi-même. Craignez avec moi, afin de vous réjouir avec moi. « Ne tarde pas à te tourner vers Dieu ». Voyez, Seigneur, voyez que je parle : vous connaissez ma frayeur, quand on lisait votre Prophète ; oui, Seigneur, vous savez quelle crainte j’éprouvais dans cette chaire, quand on lisait votre Prophète. Voici que je vous le dis : « Ne tardez pas de vous tourner vers le Seigneur, ne différez pas de jour en jour ; car sa colère viendra soudain, et au temps de la vengeance il vous perdra » ; mais je ne veux point qu’il vous perde ; je ne veux pas vous entendre dire : Je veux périr ; car moi je ne le veux point, et mon je ne veux point vaut mieux que votre je veux. Que ton père soit malade et sans mouvement entre tes bras ; mais, jeune homme, tu soulagerais un vieillard malade. Que le médecin te dise Ton père est en danger, ce sommeil n’est autre qu’une pesanteur mortelle, veille sur lui, ne le laisse point dormir. Sitôt que tu le verras sommeiller, prends soin de l’éveiller ; si c’est trop peu de l’éveiller, il faut le secouer ; si c’est peu encore, il faut le stimuler, afin d’empêcher ton père de mourir. Tu serais-là, jeune homme, pour molester un vieillard. Il s’affaisserait dans une douce langueur, ses yeux se fermeraient sous le poids du sommeil. Mais toi : Ne dormez point, et lui : Laisse-moi, je veux dormir ; et toi : Le médecin m’a dit : S’il veut dormir, ne le permets point ; et lui : Je t’en supplie, laisse-moi, je préfère la mort. Mais en fils dévoué, tu dis à ton père : Et moi je ne le veux point. À quel père ? A ce père qui veut mourir. Et toutefois tu veux éloigner la mort de ton père, tu veux vivre le plus longtemps possible avec un vieillard qui mourra néanmoins. Or, le Seigneur te crie : Garde-toi de dormir, si tu ne veux dormir éternellement ; veille, afin de vivre avec moi, afin d’avoir un père que tu ne perdras jamais ; et tu demeures sourd. Qu’ai-je donc fait, moi, sentinelle ? Je. Suis libre et ne veux pas être à charge. Quelques-uns diront, je le sais : Qu’a-t-il voulu nous dire ? Il nous effraye, il nous accable, il fait de nous des coupables. Au contraire, j’ai prétendu vous relever de toute culpabilité. 2 serait honteux, il serait infâme, je n’oserais dire ni mal, ni dangereux, ni coupable, il serait honteux de vous tromper, si Dieu ne me trompe point. Le Seigneur menace de la mort les impies, les hommes d’injustice, les fourbes, les scélérats, les adultères, les affamés

  1. Il y a ici une omission volontaire ; on a voulu faire du sermon un sermon sur la conversion seule.
  2. Il y a en latin natalitiarium, qu’on ne trouve en aucun glossaire.
  3. Mat. 5, 25
  4. Ecc. 5, 8-9