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d’eux jusqu’à disputer du Verbe de Dieu, « Dieu en Dieu, par qui tout a été fait » ; mais comprennent quand on leur parle, comme saint Paul au milieu des petits enfants du Christ, « de Jésus-Christ et de Jésus-Christ crucifié », il n’en faut pas conclure qu’il y ait ici vérité, et dans le premier cas vanité. Mais il y aurait vanité à dire que le Christ n’est point mort en vérité, mais qu’il a feint de mourir, que ses plaies n’étaient que sur un fantôme, que ce n’était point un sang réel, mais une vaine apparence de sang qui coulait de ses plaies, qu’il n’étalait que de fausses cicatrices comme après de fausses plaies. Mais quand nous racontons tout cela, nous le donnons comme une réalité, nous le croyons et le prêchons comme l’expression de la vérité. Sans nous élever jusqu’à la sublime et immuable vérité, nous n’allons pas néanmoins à la vanité. Quant à ceux qui prêchent que tout cela n’arrivait au Christ qu’en apparence et sans réalité, ce sont des grenouilles coassant dans un marais. Ils produisent un bruit de voix, mais ne sauraient insinuer la doctrine de la sagesse. Enfin, dans l’Église, ceux qui s’attachent à la vérité prêchent la vérité dans celui par qui tout a été fait, la vérité dans ce Verbe fait chair et demeurant parmi nous, la vérité dans ce Christ Dieu, né de Dieu, seul Fils d’un seul Dieu, unique et coéternel, la vérité dans celui qui, prenant la forme de l’esclave, est né de la vierge Marie, a souffert, a été crucifié, est ressuscité, est monté aux cieux, partout vérité, vérité quand l’enfant ne saurait la comprendre, vérité également dans le pain et dans le lait, dans le pain des adultes, dans le lait des petits enfants. Car c’est le même pain que l’on fait traverser la chair pour le changer en lait. Ceux qui nient cette vérité se trompent dans leur vanité et trompent les autres ; ce sont des grenouilles qui fatiguent les oreilles sans nourrir l’esprit. Écoute enfin les hommes qui parlent raisonnablement : « Il n’est point de discours », dit le Prophète, « point de langage dans lequel on n’entende cette voix », et cette voix n’est point vaine, puisque « son éclat s’est répandu sur toute la terre et a retenti jusqu’aux confins du monde[1] ». Veux-tu au contraire entendre les grenouilles, écoute ce verset du psaume : « Le frère dit des frivolités à son frère[2] ».

5. Troisième précepte : « Souviens-toi, au jour du sabbat, de le sanctifier[3] ». Ce troisième précepte nous paraît une prescription du repos, qui est la tranquillité du cœur et de l’esprit, et provient de la bonne conscience : Il y a là sanctification, parce qu’il y a l’esprit de Dieu. Voyez dès lors cette interruption, c’est-à-dire ce repos : « Sur qui », dit le Prophète, « reposera mon esprit, sinon sur l’homme humble, calme et redoutant mes paroles[4] ». Ils se retirent donc de l’Esprit-Saint, ces hommes sans repos, qui recherchent les rixes et sèment la calomnie ; plus amateurs de la dispute que de la vérité, ils ne sauraient dans leur turbulence admettre ce repos ou ce sabbat spirituel. C’est contre la turbulence de ces hommes, et comme pour mettre dans leur cœur le véritable sabbat, la sanctification par l’esprit de Dieu, qu’il est dit « Écoute la parole avec douceur, afin de comprendre[5] ». Que comprendrai-je ? Dieu qui te dit : Loin de toi cette turbulence, qu’il n’y ait dans ton cœur aucun tumulte, et que ce fantôme que fait voltiger la corruption ne te stimule point. Qu’il n’en soit point ainsi, car il te faut comprendre cette parole de Dieu : « Reposez-vous, et comprenez que c’est moi qui suis Dieu[6] ». En toi la turbulence ne veut aucun repos ; aveuglé par la corruption de tes disputes, tu entreprends de voir ce que tu ne saurais voir.

6. Au troisième précepte est opposée la troisième plaie : « Des moucherons sortis du limon couvrirent la terre d’Égypte[7] » ; des mouches très-petites, insupportables, volant en désordre, entrent dans les yeux, ne laissent à l’homme aucun repos ; on les chasse, elles reviennent ; chassées de nouveau, elles reviennent à la charge, comme ces fantômes qui assiègent les cœurs turbulents. Observe le précepte, et garde-toi de la plaie.

7. Quatrième précepte : « Honore ton père et ta mère ». À ce quatrième précepte est opposée la quatrième plaie, qui fut celle de la cynomie. Qu’est-ce que la cynomie ? C’est la mouche des chiens ; son nom vient du grec. Or, le propre du chien est de ne pas connaître ses parents ; rien ne tient tant du chien comme de méconnaître ceux qui nous ont engendrés : c’est donc avec raison que les petits chiens naissent aveugles.

  1. Psa. 18, 4,5
  2. Id. 11, 3
  3. Exo. 20, 8
  4. Isa. 66, 2
  5. Sir. 5, 13
  6. Psa. 45, 11
  7. Exo. 20, 12