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d’ignorance et d’impiété, et l’esprit d’orgueil opposé à l’esprit de crainte de Dieu. Voilà les sept esprits du mal. Quels soit les sept autres pires. Nous retrouvons les sept autres pires dans l’hypocrisie. C’est un mauvais esprit que l’esprit de folie, il a son pire dans la sagesse simulée. L’esprit d’erreur est mauvais, la vérité simulée est pire. L’esprit de témérité est mauvais, le conseil simulé est pire encore ; l’esprit de paresse est un mal, le courage simulé est pire encore ; l’esprit d’ignorance est un mal, une science simulée est pire encore ; l’esprit d’impiété est un mal, la piété simulée est pire encore ; l’esprit d’orgueil est un mal, la crainte simulée est pire encore. En supporter sept était difficile ; mais quatorze, qui le pourra ? Dès lorsque la vérité simulée vient s’ajouter à la malice, il est nécessaire que le dernier état de cet homme devienne pire que le premier.

3. « Comme il parlait ainsi devant la foule (je cite l’Évangile), sa mère et ses frères étaient au-dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voilà votre mère et vos frères qui sont dehors et qui désirent parler avec vous. Et lui : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Car, quiconque fera la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mou frère, est ma sœur, est ma mère[1] ». C’est à ceci que je voudrais me borner, mais pour n’avoir pas voulu laisser ce qui précède, j’y ai donné, je le sens, une assez grande part de mon temps. Ce que j’entreprends maintenant a bien des faux-fuyants, bien des difficultés, comment Notre-Seigneur Jésus-Christ a pu, dans sa piété filiale, mépriser sa mère, non telle ou telle mère, mais une mère vierge, et une mère d’autant plus vierge qu’il lui avait apporté la fécondité sans effleurer son intégrité, une mère qui concevait dans sa virginité, qui enfantait dans sa virginité, qui demeurait dans une perpétuelle virginité. Ce fut cette mère qu’il méprisa, de peur que l’affection maternelle ne lui fût un obstacle dans l’œuvre qu’il accomplissait. Quelle était cette œuvre ? Il parlait aux populations, détruisait le vieil homme, faisait naître l’homme nouveau, délivrait les âmes, déliait ceux qui étaient enchaînés, éclairait les esprits aveugles, faisait le bien, et, dans l’accomplissement du bien, apportait le feu de son action et de sa parole. Ce fut alors qu’on lui fit part d’une affection charnelle. Vous avez entendu sa réponse, à quoi bon la répéter ? Que les mères l’entendent, et que leur affection charnelle ne soit point un obstacle aux bonnes œuvres de leurs enfants. Apporter de tels obstacles, entraver des actions saintes, au point de les interrompre, c’est mériter le mépris de leurs fils. Et quand le Christ ne. prend point garde à la vierge Marie, que sera-ce d’une mère, mariée ou veuve, qui s’irrite contre son fils qui s’adonne au bien de toute son âme, et qui dès lors né prend point garde à l’arrivée de sa mère ? Mais, direz-vous Est-ce que vous comparez mon fils au Christ ? Je ne le compare point au Christ, ni vous à Marie. Le Seigneur, sans condamner l’affection maternelle, nous a donné en lui-même un grand exemple du peu d’obstacle que doit être une mère dans l’œuvre de Dieu ; sa parole était un enseignement, le peu de cas qu’il faisait un enseignement, et il a daigné faire peu attention à sa mère, afin de t’apprendre à ne pas t’arrêter à ton père et à ta mère, quand il s’agit de travailler pour Dieu.

4. Sans doute Notre-Seigneur Jésus-Christ ne pouvait devenir homme sans une mère, lui qui l’a bien pu sans un père. S’il fallait, ou plutôt parce qu’il fallait que celui qui a fait l’homme devint homme, à cause de l’homme lui-même, considérez bien attentivement comment il fit le premier homme. Le premier homme fut fait sans père et sans mère. Or, les dispositions que Dieu a pu prendre tout d’abord pour établir la race humaine, n’aurait-il pu ensuite se les appliquer à lui-même quand il s’agit de réparer cette race des hommes ? Était-ce donc une difficulté pour la sagesse de Dieu, pour le Verbe de Dieu, pour la vertu de Dieu, pour le Fils unique de Dieu, était-ce une difficulté de prendre quelque part, à son gré, cet homme qu’il devait s’adapter à lui-même ? Les anges sont devenus des hommes, pour communiquer avec les hommes. Abraham donna un festin à des anges, et les invita comme s’ils eussent été des hommes, et non-seulement il les vit, mais il les toucha, puisqu’il leur lava les pieds [2]. Or, tout ce que firent alors les anges n’était-ce donc que des jeux fantastiques ? Si donc un ange a pu, à son gré, prendre une forme humaine, et forme

  1. Mat. 12, 46-50
  2. Gen. 18