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sont donc celles que j’ai rachetées ? Mauvais serviteurs ! Vous les appelez vos brebis, et vous revendiquez pour vous ce que j’ai racheté, vous qui périssiez si je ne vous eusse rachetés. Pour nous, à Dieu ne plaise que nous vous appelions nos brebis ! Cette expression n’est point catholique, elle n’est point vraie, elle n’est point de Pierre, puisqu’elle est contre la Pierre. Vous êtes brebis, mais de celui qui a racheté et vous et nous. Nous n’avons qu’un seul Seigneur. Il est pasteur, on ne saurait le conduire. Il fait paître ses brebis, et ce que nul ne fait à propos des brebis, il en a donné le prix et dressé le contrat. Le prix, c’est son sang ; le contrat, c’est l’Évangile dont vous venez d’entendre la lecture. Que dit-il à Pierre ? « M’aimes-tu ? Je vous aime. Pais mes brebis ». A-t-il dit les tiennes ? Voulez-vous savoir à qui il dit les tiennes ? Écoutez donc ce livre sacré que l’on nomme Cantique des Cantiques. C’est là qu’il est parlé d’amour sacré, de l’Époux, de l’Épouse, du Christ et de l’Église : et tout ce livre n’est qu’un chant nuptial, comme on dirait un Epithalame ; mais le chant d’une couche sainte, d’une couche sans tache. « C’est dans le soleil qu’il a placé son tabernacle[1] » ; c’est-à-dire au grand jour, en public, de manière à le mettre en vue et non à le dérober. « Et lui-même est comme un Époux qui, sort de son lit nuptial ». Car il a pris une épouse, la chair de l’homme, son lit nuptial était le sein d’une vierge. C’est là qu’il s’est uni à l’Église, afin d’accomplir cet oracle : « Et ils seront deux dans une seule chair[2] ».

3. Il s’établit donc un dialogue entre ces amants augustes, le Christ et l’Église. – L’Église s’écrie : « Dis-moi, ô toi qui chéris mon âme, où tu fais paître tes brebis, où tu les fais reposer à midi ». Pourquoi te demander « où tu fais paître tes brebis, où tu les fais reposer pendant midi ? C’est afin que je n’aille point tomber, comme ignorée, sur les troupeaux de tes compagnons ». Ainsi donc, je souhaite que tu m’enseignes où tu fais paître, où tu fais reposer tes brebis pendant le jour, afin de ne pas m’égarer quand j’irai vers toi, « de peur que je ne sois comme voilée sur les troupeaux de tes compagnons[3] », c’est-à-dire qu’au lieu d’aller à ton troupeau, je n’aille « comme couverte d’un voile » à ceux de tes compagnons. Qu’est-ce à dire « couverte d’un voile[4] », sinon comme cachée et ignorée ? Les Donatistes savent donner à ces paroles leur propre sens, non le sens des Écritures. Voici ce qu’ils disent en effet : L’Afrique est au midi, car le midi du monde c’est l’Afrique ; dès lors l’Église demande au Seigneur : « Où fais-tu paître ton troupeau, où le fais-tu reposer ? » Et celui-ci répond : « Au midi » ; c’est-à-dire, ne me cherchez qu’en Afrique. Lis et comprends, esprit de mensonge ; voilà maintenant le miroir sous tes yeux. C’est là que je te prends. Comprends que c’est toujours l’Épouse qui interroge. Pourquoi faire que ce soit déjà la réponse de l’Époux ? Reconnais du moins le genre féminin. « Où fais-tu paître et reposer ton troupeau à midi ? De peur que je ne sois comme voilée ». Or, voilée est du féminin, je pense, et non du masculin. Donc, ô Seigneur, que l’Afrique soit le midi : que l’on doive comprendre comme ils comprennent. L’Afrique, c’est le midi ; c’est la part faite aux Donatistes. C’est là qu’on a fait la division ; c’est là qu’à travers le troupeau du Christ s’est promenée la scie de séparation. C’est donc en quelque sorte l’Église d’au-delà des mers, où n’est point faite la division, qui s’écrie : « Indique-moi, ô toi que chérit mon âme, où tu fais paître et reposer ton troupeau dans le midi ». J’entends dire, en effet, qu’il y a un parti de Donat, que les uns sont catholiques, les autres Donatistes ; indique-moi, dès lors, où tu fais paître tes brebis, de peur que je ne me trompe en venant à toi. Je veux une indication, parce que je redoute l’incertitude. « Indique-moi où tu fais paître et reposer ton troupeau au midi ». Pourquoi demandé-je cette indication ? « C’est que je crains d’être comme voilée », car je suis comme ignorée, comme voilée au parti de Donat, c’est là qu’on me prêche et sans me voir.

4. Voici ce que disent les Écritures : « Il arrivera dans les derniers jours que la montagne du Seigneur sera en évidence, elle s’élèvera sur le sommet des montagnes, par-dessus toutes les collines, et toutes les nations y viendront en foule[5] ». On parle d’une montagne, et cette montagne est voilée pour le parti de Donat. Heurter contre une pierre

  1. Psa. 18, 6
  2. Gen. 2, 24 ; Mat. 19, 5
  3. Can. 1, 6
  4. Il y a en grec, περιβαλλομένε, et dans la Vulgate vagans.
  5. Isa. 2, 2