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lampe les a couverts de confusion. Quand ces mêmes ennemis virent que le Seigneur faisait des miracles, « Dis-nous », lui demandèrent-ils, « par quelle autorité tu fais ces choses[1] ». Ils le questionnaient avec une intention hostile, afin de le saisir comme blasphémateur, s’il disait que c’est par sa propre autorité. Mais il agit comme il l’avait fait à propos de la pièce de monnaie, quand ils voulaient le calomnier. Si, d’une part, il répondait : Payez le tribut à César, ce qui eût été avilir la nation juive, en la déclarant assujétie et tributaire ; que si, d’autre part, il disait : Ne payez point le tribut, ils devaient l’accuser, devant les amis et les ministres de César, comme empêchant de payer le tribut. Or, le Sauveur : « Montrez-moi », dit-il, « une pièce de monnaie ; de qui sont cette image et cette inscription ? De César », répondirent-ils. « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[2] ». C’était dire : « Si César recherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu ne cherche-t-il point son image dans l’homme ? De même, en cette occasion, ces calomniateurs « parlèrent en un cœur et en un cœur##Rem[3] ». Ils n’eussent parlé qu’en un seul cœur, si, dans leur langage, ils n’eussent eu un cœur double, et, comme il a été dit plus haut, un cœur combiné, mais non simple. Voyez en effet quelle différence ! Il est dit des serviteurs de Dieu que tous n’avaient qu’un même cœur : « Ils n’avaient qu’une même âme et un seul cœur[4] » en Dieu. Beaucoup d’hommes simples n’ont qu’un seul cœur ; un seul homme fourbe a deux cœurs. Donc, parce que c’était dans un cœur et dans un cœur que ces hommes faisaient à Jésus cette question : « Dis-nous par quelle autorité tu fais ces prodiges ? » Ils voulaient dire, d’une part : nous le déclarer, c’est gagner nos adorations ; nous le déclarer, c’est avoir droit à nos respects ; si tu nous le déclares, nous t’adorons ; et d’autre part, car il y avait en eux duplicité : si tu le dis, nous t’accuserons ; si tu le dis, nous aurons de quoi te saisir ; si tu le dis, nous aurons de quoi te charger. Voilà des ennemis. Mais la lampe va les confondre. Tout à l’heure vous les verrez dans la confusion, Et maintenant qu’il est temps d’allumer nos lampes, que les ennemis du Christ soient confondus par cette lampe que le Père a préparée à son Christ. « Car celui-là était une lampe ardente et brillante », nous dit le Sauveur lui-même. Que répond donc le Christ à leur question : « Dis-nous avec quelle autorité tu fais ces prodiges ? – Je vous ferai à mon tour une seule question. Dites-moi : Le baptême de Jean, d’où venait-il ? Du ciel ou des hommes ? Mais, dans leur trouble intérieur, ils se disaient : Si nous répondons : Du ciel, il nous dira : Pourquoi, ne croyez-vous pas en lui ? » C’est-à-dire : Pourquoi me demander en vertu de quelle autorité j’opère ces prodiges, quand Jean m’a rendu le témoignage que vous me demandez ? « Donc si nous répondons : Du ciel, il nous dira Pourquoi ne croyez-vous point en lui ? Si nous disons : Des hommes, nous craignons le peuple, car tous regardent Jean comme un Prophète[5] ». Partagés entre la crainte du peuple et la crainte de la vérité, envieux d’une part et craintifs d’autre part, et aveugles de part et d’autre, ils répondirent : « Nous ne savons ». La lampe s’est montrée, les ténèbres ont fui. Bien qu’ils demeurassent présents de corps, en effet, leur cœur s’était enfui, quand ils répondirent qu’ils n’en savaient rien. La crainte est la marque d’un cœur qui fuit. Ils craignaient d’être lapidés par te peuple, s’ils disaient que le baptême de. Jean venait des hommes ; ils craignaient d’être convaincus parle Christ, s’ils confessaient que le baptême de Jean était venu du ciel. Ils s’enfuirent avec honte. Le nom de Jean les remplit de crainte, et la crainte les mit en fuite. Et le Sauveur : « Je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité j’opère ces prodiges ».

8. Jean-Baptiste est donc la lampe préparée au Christ Notre-Seigneur. Ses ennemis ; qui l’interrogeaient pour le surprendre, se retirèrent avec confusion, quand parut la lumière de cette lampe. Alors s’accomplit cette parole : « Je couvrirai ses ennemis de confusion ». Pour nous, mes frères, qui connaissons le Seigneur, et par son précurseur Jean-Baptiste, et même parle témoignage du Sauveur dont il disait : « J’ai un témoignage supérieur à Jean », devenons, par la foi au Christ, le corps de cette tête auguste, afin qu’il n’y ait qu’un seul Christ, tête et corps, et une fois que nous serons devenus « un », s’accomplira en nous cet oracle : « Sur lui s’épanouira ma sainteté ».

  1. Luc. 20, 2
  2. Mat. 22, 19-21
  3. Psa. 11, 3
  4. Psa. 11, 3
  5. Mat. 21, 21-27