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CINQUIÈME SERMON. ENCORE SUR LA PÂQUE[1].

ANALYSE. —1. La mort du Christ est notre espérance. —2. La mort du Christ est volontaire. —3. Comment le Christ est triste dans sa mort. —4. Nécessité de l’incarnation pour notre rachat. —5. Paroles du Rédempteur aux rachetés. —6. Comment comprendre que le Christ est mort pour nous. —7. Réfutation des erreurs d’Apollinaire et d’Arius. —8. Exhortation.

1. Nous venons d’entendre lire dans l’Évangile la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Christ est ressuscité, donc le Christ est mort ; car la résurrection est une preuve de la mort, tandis que la mort du Christ est la mort de nos craintes. Ne craignons plus de mourir, le Christ est mort pour nous. Mourons avec l’espérance de la vie éternelle, puisque le Christ est ressuscité pour que nous ressuscitions. Sa mort et sa résurrection sont pour nous un programme à suivre, une récompense promise. Le programme à suivre, c’est la passion ; la récompense promise, c’est la résurrection. Le programme a été rempli par les martyrs ; et nous, remplissons-le du moins, par la piété, si nous ne pouvons le faire par les souffrances. Tous ne sont point appelés à souffrir pour le Christ, à mourir pour le Christ, bien que lui-même soit mort pour nous. Bienheureux ceux qui ont fait pour le Christ ce qui était tour eux une nécessité ! Mourir est une nécessité, mais mourir pour le Christ n’est point une nécessité. La mort viendra pour tous, mais non pour tous la mort pour le Christ. Ceux qui sont morts pour Jésus-Christ ont rendu en quelque sorte ce qu’il leur avait prêté. En mourant pour eux, le Seigneur leur faisait un prêt ; ils l’ont acquitté en mourant pour lui. Mais comment le pauvre, dans la disette, aurait-il pu rendre, si le Seigneur, qui est riche, ne lui eût prêté ? Le prêt qu’avait fait le Christ aux martyrs, il le leur a donné, afin qu’ils pussent rendre au Christ. Cette parole appartient donc aux martyrs : « Si le Seigneur n’eût été en nous, ils nous eussent dévorés tout vivants[2] ». Les persécuteurs, dit le Prophète, « nous eussent dévorés tout vivants ». Qu’est-ce à dire, « vivants ? » Sachant bien que ce serait un grand mal de renier le Christ, oui, un tel crime, nous l’aurions commis, vivants ou en pleine connaissance, et ainsi les persécuteurs « nous eussent dévorés vivants et non morts. Qu’est-ce à dire, vivants ? » En pleine connaissance, et non dans l’ignorance. Et par quelle force ont-ils pu ne point faire ce qu’ils étaient forcés de faire par les bourreaux ? Qu’ils le disent eux-mêmes, interrogez-les. Ils répondent : « Si le Seigneur n’eût été en nous ». C’est donc lui qui leur a donné ce qu’ils devaient lui rendre. Grâces lui en soient rendues. Il est riche. C’est encore de lui qu’il est dit : « Il s’est fait pauvre, afin de nous enrichir[3] ». Nous sommes donc enrichis de sa pauvreté, guéris par ses blessures, élevés par son humilité, vivifiés par sa mort.

2. Le martyr s’écriait : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens dont il m’a comblé[4] ? » Écoutez ce qui suit. Le voilà qui a regardé, qui a cherché ce qu’il rendrait au Seigneur. Et que dit-il ? « Je prendrai le calice du salut[5] ». Voilà ce que je rendrai au Seigneur : « Le calice du salut », calice du martyre, calice de la passion, calice du Christ. Tel est le calice du salut ; car le Christ est notre salut. Je prendrai donc son calice et je le lui rendrai. C’est de ce calice que le Christ, avant sa passion, disait à son Père : « Mon Père, que ce calice s’éloigne de moi, s’il est possible[6] ». Il

  1. On lit au manuscrit, fol. 5, pag. 2 : « Autre sermon encore de saint Augustin pour le même jour ».
  2. Psa. 123, 1,2
  3. 2Co. 8, 9
  4. Psa. 115, 12
  5. Id. 13
  6. Mat. 26, 39