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de la résistance de la chair. La flamme brûle, la mèche se consume, la cire se répand goutte à goutte ; la sagesse enseigne, l’âme se repent, la chair verse des larmes. La flamme brûle en haut, la mèche se consume à l’intérieur, la cire coule à l’extérieur. C’est d’en haut qu’on prêche la sagesse, invisiblement que l’âme embrasse la pénitence, visiblement que la chair en accomplit les œuvres. Le jour, on vante la beauté d’un cierge ; la nuit, on en recherche la clarté. C’est ainsi qu’il est pour nous l’image de cette colonne qui marchait devant le peuple d’Israël, dans le désert, et l’empêchait de s’égarer. Une colonne de nuée leur apparaissait, en effet, pendant le jour, et une colonne de feu pendant la nuit[1]. Or, le jour est la figure de la sécurité en cette vie, comme la nuit est la figure des tribulations. Tel est le jour dont le Prophète a dit dans ses cantiques : « C’est le jour que le Seigneur a signalé sa miséricorde, et la nuit qu’il l’a chantée[2] ». Ce n’est point en venant dans cette vie charnelle que le Seigneur Jésus-Christ a manifesté sa gloire ; mais cette chair lui a servi de voile pour nous apparaître, comme au désert la colonne de nuée. Mais, quand viendra la fin des siècles, qui mettra fin à toutes nos joies visibles, alors, sans aucun voile mortel, le Seigneur lui-même nous apparaîtra dans sa gloire et dans sa splendeur, comme la colonne de feu. C’est le propre d’une colonne de feu de brûler et de briller. Brûler, c’est sa puissance ; briller, c’est sa gloire. Brûler, c’est juger ; briller, c’est éclairer. Brûler ; c’est la peine des impies ; briller, c’est le bonheur des justes.

3. Mais il nous faut entrer dans les propriétés de ce cierge, dont la signification est si glorieuse. Notre main le porte, nos yeux le voient, notre cœur le contemple, et notre bouche le célèbre. La cire est l’œuvre de l’abeille, dont l’Écriture nous parle ainsi : « Va vers la fourmi[3], ô paresseux », envois, comme elle travaille. Combien son œuvre est sainte, puisque les rois et les sujets s’emparent de ses travaux pour entretenir leur santé. Aux yeux de tous, elle a de la grâce et de la beauté, et toute faible qu’elle soit, elle ne s’élève qu’avec sagesse. Que nous apprenez-vous, ô Christ ? Que devons-nous considérer dans l’abeille ? C’est un animal petit et pourvu d’ailes, parce que c’est l’humilité qui s’élève. Elle vole au moyen de deux ailes brillantes. Or, quoi de plus éclatant que la charité ? Et la charité renferme deux préceptes, d’aimer Dieu et d’aimer le prochain, qui sont comme deux ailes pour nous élever au ciel. La douceur est l’œuvre de l’abeille, et la vérité est dans la bouche du juste ; car le Seigneur nous dit bien haut : « Je suis la voie, la vérité et la vie[4] ». Et le Prophète nous dit à son tour : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux[5] ». Les abeilles aiment leur reine, comme les justes aiment leur Christ. Les abeilles forment des rayons de miel, et les justes des églises. C’est sur les fleurs que celles-ci vont recueillir leur butin, de même que tous les justes s’enrichissent des beautés des saintes Écritures, qui font connaître et honorer Dieu, et sont pour eux des prairies émaillées. Les abeilles engendrent sans souillure, de même que les justes engendrent les chrétiens par la chaste prédication de l’Évangile. C’est à ses fils, en effet, que s’adressait Paul, quand il disait : « Eussiez-vous dix mille maîtres en Jésus-Christ, que vous n’avez pas néanmoins plusieurs pères ; car c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile[6] ». On distingue, dans le rayon, la cire, le miel, et le couvin. De même, dans l’Église, nous avons l’Écriture, l’intelligence et l’audition. Et comme la cire renferme le miel, ainsi l’Écriture garde l’intelligence, et de même encore que le couvin a son nid dans la cire, ainsi l’auditeur met son affection dans l’Écriture ; de même encore que les cellules de rayons contiennent déjà du couvin, sans contenir encore du miel, de même les mystères des Écritures, avant d’arriver à l’intelligence, exigent d’abord la foi des enfants. Comme la jeune abeille, après avoir pris son essor, remplit de miel ces alvéoles de cire où elle fut nourrie, ainsi les jeunes fidèles, après avoir grandi par la foi et commencé à se diriger par les ailes de là charité, rendent plus solides ces remparts des saintes Écritures, dont le respect les a sauvegardés, et qu’à leur tour ils environnent d’un respect plus saint. Qu’on presse des rayons, il en découle du miel que l’on recueille en des vases ; ainsi la

  1. Exo. 13, 31, et Nom. 14, 14
  2. Psa. 41, 9
  3. C’est par une erreur de mémoire que l’auteur substitue l’abeille à la fourmi ; Prov. 6, 6.
  4. Jn. 14, 6
  5. Psa. 33, 9
  6. 1Co. 4, 15