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adoré. Pour confondre sa présomption, le Sauveur lui avait dit : « Tu me renieras[1] » ; plus tard aussi, pour affermir son amour, Jésus-Christ lui posa cette question : « M’aimes-tu ». C’est donc au moment même où saint Pierre chancelait dans sa foi, qu’il présuma le plus de ses propres forces. Le Psalmiste avait depuis longtemps formulé ce reproche : « Ceux qui mettent leur confiance dans leur vertu[2] ». Pierre méritait donc qu’on lui fît l’application de ces autres paroles : « J’ai dit dans mon abondance : Jamais je ne me laisserai ébranler[3] ». Dans son abondance il avait dit au Sauveur : « Je suis avec vous jusqu’à la mort » ; dans son abondance il avait dit : « Jamais je ne me laisserai ébranler ». Toutefois Jésus-Christ, en sa qualité de suprême Médecin, savait mieux que le malade lui-même ce que réclamait sa maladie. Ce que font les médecins dans les maladies du corps, Jésus-Christ peut le faire dans les maladies de l’âme. Qu’importe, après tout, au malade, que le médecin lui rende toujours raison du traitement qu’il lui applique ? Le malade peut connaître les souffrances qu’il supporte ; mais quand il s’agit de décider si la maladie est dangereuse, d’en connaître les causes et de juger de l’efficacité des remèdes, c’est l’œuvre propre du médecin qui, après avoir examiné le corps, reste libre de communiquer à son malade les raisons du traitement qu’il lui applique. Quand donc le Seigneur dit à Pierre : « Tu me renieras trois fois[4] », il prouvait à Pierre qu’il avait sondé son cœur. Or, les prévisions du médecin se réalisèrent, et la présomption du malade se trouva confondue.
2. Continuons à étudier dans le même psaume les révélations que nous fait le Saint-Esprit. Après avoir dit : « Dans mon abondante je ne me laisserai jamais ébranler », le Psalmiste, se reprochant d’avoir ainsi présumé de ses propres forces, s’empresse d’ajouter : « Seigneur, par l’effet de votre volonté, vous avez ajouté la force à ma beauté ; vous avez détourné votre face et je suis tombé dans le trouble et la confusion[5] ». Que dit – il ? Ce que j’avais ne venait pas de vous, et je croyais ne le tenir que de moi ; « mais vous avez détourné votre face » ; vous avez repris ce que vous m’aviez donné et « je suis tombé dans le trouble et la confusion » ; en vous retirant de moi, vous m’avez montré ce que je suis par moi-même. Ainsi donc, afin de lui inspirer une humilité salutaire, le Sauveur abandonna Pierre pour un temps. Jésus le regarda ensuite, et Pierre versa des larmes amères, comme parle l’Évangile ; c’est ainsi que s’accomplit la prédiction du Sauveur. Que lisons-nous ? « Le Seigneur regarda Pierre, et celui-ci se souvint[6] ». Si Jésus-Christ ne l’eût pas regardé, Pierre aurait tout oublié. « Le Seigneur regarda Pierre, et celui-ci se souvint que Jésus lui avait dit : Avant que le coq chante, vous me renierez trois fois, et, étant sorti, il pleura amèrement[7] ». Pour laver le crime de son reniement, Pierre avait donc besoin du baptême de larmes. Mais ce baptême lui-même il n’aurait pu l’avoir si Dieu ne lui en avait fait la grâce.

  1. Mt. 26, 75
  2. Ps. 48, 7
  3. Id. 29, 7
  4. Lc. 22, 33.
  5. Ps. 29, 8
  6. Lc, 22, 61
  7. Lc. 22, 62