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CINQUANTE-SEPTIÈME SERMON.

SUR SAINT JEAN-BAPTISTE.

ANALYSE. — 1. Jésus-Christ supérieur à saint Jean, inférieur à son Père, comme homme, et égal à son Père comme Dieu. — 2. Jésus-Christ véritablement égal à son Père. — 3. Jésus-Christ, comme homme, est inférieur à son Père, mais reste supérieur à tous les hommes.

1. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[1] ». De quel homme le Seigneur a-t-il permis que l’on pût dire : « Toutes choses ont été faites par lui ?[2] » Le Verbe a retenu pour lui la divinité, et il nous a donné la grâce. Nous disons de Jésus-Christ qu’il est homme pour nous, et qu’il est Dieu au-dessus de nous ; il est tout à la fois homme et Dieu. Or, vous avez devant vous deux personnages : saint Jean et Jésus-Christ ; mais Jésus-Christ, qui, extérieurement, ne paraît qu’un homme, est infiniment plus grand que saint Jean, qui a dû s’écrier : « Je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure[3] ». Proclamez donc sa supériorité, et sa supériorité si suréminente, que saint Jean lui est infiniment inférieur, quoiqu’il soit le plus grand de tous les justes. Jésus-Christ est plus grand que la terre et le ciel, plus grand que les anges, plus grand que les vertus, plus grand que les trônes, les puissances et les dominations. D’où lui vient cette supériorité ? De ce que « toutes choses ont été faites par lui, et que rien n’a été fait sans lui[4] ». En tant que Dieu, il est égal à son Père ; en tant qu’homme, il est inférieur à son Père. N’a-t-il pas dit lui-même : « Moi et mon Père, nous sommes un[5] ? » ; et aussi : « Mon Père est plus grand que moi[6] ? » Ces deux propositions semblent se contredire, et pourtant elles sont parfaitement vraies. Que votre cœur ne se révolte pas, car les paroles du Sauveur se concilient parfaitement. « Moi et mon Père nous soma mes un » ; ces mots expriment l’égalité « Mon Père est plus grand que moi » ; on ne peut mieux formuler l’inégalité.

2. Sur ces paroles : « Moi et mon Père nous sommes un », écoutez l’Apôtre expliquant dans un seul passage ces deux propositions contradictoires : « Jésus-Christ étant dans la forme de Dieu, a pu se dire, sans injustice, égal à Dieu[7] » ; car il est Dieu et éternellement engendré de Dieu. L’injustice est le fait d’un usurpateur ; tel fut Adam. Parce qu’il voulut devenir ce qu’il n’était pas, il se trouva déchu de ce qu’il était. Comment a-t-il voulu la rapine ? Il se laissa séduire par le serpent qui lui-même était déchu, pour avoir dit : « Je placerai mon trône vers l’Aquilon, et je serai semblable au Très-Haut[8] ». Cette pensée fit du premier des anges un démon. Plus tard, il rendit l’homme participant de son orgueil. Lui qui était tombé, se prit de jalousie contre l’homme encore debout et le précipita d’où il était tombé lui-même. Si le démon et l’homme aspiraient à la divinité, c’était donc par rapine. Il n’en fut pas de même de Jésus-Christ, parce qu’il était, par nature, égal à son Père, il l’était de toute éternité, il ne le devint pas et ne le deviendra jamais. En parlant de Lui, on ne saurait dire Il a été, il est et il sera ; le présent seul lui convient : il est. Dire qu’il a été, c’est dire qu’il n’est plus ; et dire qu’il sera, c’est dire qu’il n’est pas encore. C’est à Lui que Moïse adressa cette question : « Quel est votre nom ? Que dirai-je aux enfants d’Israël ? Le Seigneur répondit : Je suis Celui qui suis ; tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous[9] ». Ce qui est, voilà la vérité, la réalité, ce qui ne peut changer. Or, l’Être par essence appartient au Père, appartient au Fils, appartient au Saint-Esprit. Voilà, mes frères, ce qui est au-dessus de tout

  1. Jn. 1, 1
  2. Jn. 1, 1
  3. Ibid. 3
  4. Ibid. 27
  5. Id. 10, 30
  6. Jn. 14, 28
  7. Phi. 2, 6
  8. Isa. 14, 13-14
  9. Exo. 3, 13-14