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CINQUANTE-QUATRIÈME SERMON. SUR L’APÔTRE SAINT PAUL.

ANALYSE. —1. Saint Paul, modèle du zèle pour le salut des âmes. —2. Eloge de saint Paul. —3. Paul prêche à tous le nom de Jésus-Christ. —4. Il ne vit que pour ses frères, et pour le Sauveur.


1. Si nous voulons, mes frères, rester sans souillure, suivons la doctrine de Pierre et de Paul, qui, après avoir obtenu de Jésus-Christ la grâce de la parole, de la sagesse et de l’administration ecclésiastique, a se sont faits tout o à tous, afin de gagner tous les hommes à a Jésus-Christ[1] ». Or, pour nous, nous n’avons d’autre devoir que de nous laisser gouverner et conduire par ceux qui ont mission de le faire. Quand il s’agit du salut des âmes, nous pourrions citer tous ceux qui y ont contribué par la législation, par la prophétie, par la lutte et le martyre ou de toute autre manière ; nous aurions Moïse, Aaron, Josué, Élie, Élisée, les Juges, Samuel, Daniel, la multitude des Prophètes, saint Jean-Baptiste, les Apôtres, et tous ceux qui avec eux ou par eux ont travaillé à la sanctification des peuples. Toutefois, nous faisons en ce moment abstraction de tous ces personnages, et il nous suffira de nommer saint Paul pour nous faire une idée précise de ce que sont dans l’Église le soin et la sollicitude des âmes, et ce que cette sollicitude suppose de travail et de prudence, d’efforts et de dévouement.
2. Voyons donc ce que Paul dit de Paul, et étudions dans sa personne le sujet qui nous occupe. Je passe sous silence les travaux et les veilles dans la soif et la faim, les misères supportées dans le froid et la nudité, Je passe sous silence les embûches extérieures et les résistances intérieures. Je passe sous silence les persécutions, les complots judaïques, les prisons, les chaînes, les accusateurs, les jugements, les mortifications de chaque jour et de chaque moment. « J’ai été descendu le long du mur à l’aide d’une corbeille, j’ai été lapidé, j’ai été frappé de verges[2] ». Je passe sous silence les pérégrinations si lointaines et si nombreuses, « les dangers sur la mer, les dangers sur terre, les dangers du jour et de la nuit, le naufrage, les périls sur les fleuves, les périls de la part des brigands, périls de tout genre, périls de la part des faux frères » ; le travail manuel pour subvenir à son alimentation[3] ; la gratuité absolue de ses prédications évangéliques[4] ; il est donné en spectacle aux hommes et aux anges[5], lui qui se présentait comme intermédiaire entre Dieu et les hommes, supportant pour tous des luttes et des combats, afin de les ramener tous à Dieu. Outre ces merveilles, que pouvons-nous penser de sa vigilance continuelle sur les moindres détails, et de sa sollicitude pour toutes les Églises ? À l’égard de tous il était plein de miséricorde et d’une affection véritablement fraternelle. Il ressentait le contre-coup de toutes les souffrances de ses frères ; et si l’un d’eux était scandalisé, lui-même était brûlé[6].
3. Ce que je rappellerai surtout, c’est son zèle infatigable à enseigner, et toutes les richesses de sa prédication ; je rappellerai sa douceur à la fois et sa sévérité, ou plutôt l’heureuse alliance de ces deux qualités dans sa personne, de telle sorte qu’il n’ulcéra jamais par sa sévérité, et ne faiblit jamais par excès de douceur. Il trace les devoirs des serviteurs et des maîtres, des princes et des sujets, des hommes et des femmes, des parents et des enfants, des époux et des célibataires, des chastes et des voluptueux, des sages et des insensés, des circoncis et des incirconcis, de l’Église et du monde, des veuves et des vierges, de l’esprit et de la chair. Il se réjouit avec les uns et rend grâce pour eux ; il châtie les autres et les reprend ; les uns sont sa joie

  1. 1 Cor 9, 22
  2. 2 Cor. 11, 26,28
  3. 1 Cor. 4, 12
  4. Id. 9, 18
  5. Id. 4, 9
  6. 2 Cor. 11, 28-29