Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

marche dans le désert, il vous a nourris miraculeusement, vous avez recueilli sans fatigue le pain tombé du ciel, vous n’avez connu les douleurs d’aucune maladie, vos pieds n’ont pas : manqué de chaussures, ni vos corps de vêtements ; le rocher frappé par la verge de Moïse a perdu son aridité et vous a fourni une eau abondante et pure ; les ondes salées de la mer ont perdu pour vous leur amertume et ont agréablement étanché votre soif ; est-ce donc dans l’abondance de ces bienfaits que vous avez appris à lever votre tête contre Dieu et à ceindre son front des épines de vos péchés, selon cette parole : « Ce peuple m’a entouré des épines de ses péchés ? »
5. Mais pourquoi remonter à des temps si reculés, puisque, vivant d’une présence corporelle au milieu de ces Juifs, le Sauveur les a rendus témoins d’innombrables prodiges ? Vous, peuple juif, vous avez présenté du fiel et du vinaigre à ce Dieu qui, aux noces de Cana, pour l’agrément de ses convives, a changé l’eau en vin. Aux aveugles il rendait la vue ; aux sourds il rendait l’ouïe ; aux muets il rendait la parole ; les lépreux, à sa voix, dépouillaient leurs ulcères et reprenaient la fraîcheur de leurs corps ; les paralytiques se sentaient raffermis sur leurs membres et retrouvaient leur ancienne vigueur ; les boiteux recouvraient leur agilité première, et souvent même une agilité qu’ils n’avaient jamais connue ; Lazare, enfin, décédé depuis quatre jours et déjà en proie à la corruption des tombeaux, revenait à la vie, à votre grand désespoir. Pour tous ces bienfaits, pour tous ces biens dont il vous avait comblés, vous avez condamné à une mort honteuse Celui qui méritait toutes vos adorations ; c’était trop de le faire mourir d’une mort simple et ordinaire, qu’était-ce de le traiter comme vous l’avez fait ?
6. Que les bourreaux du Sauveur connaissent donc la gravité du crime qu’ils ont commis et contre lequel la terre et le ciel se sont émus d’indignation. « Le voile du temple s’est rompu[1] » ; c’était là une sorte de protestation de la part du temple, car il n’y a plus de motif d’orner une demeure qui a perdu son maître. « Le voile se déchira depuis le haut jusqu’en bas », c’est-à-dire que, dans la seule personne de Jésus-Christ, vous avez rejeté tout à la fois l’homme et Dieu. Que dirai-je encore ? Le Sauveur est enseveli et son âme unie à la divinité descend dans les limbes, au milieu des captifs dont il brise les chaînes et qu’il rend à la liberté pour en faire les compagnons et les témoins de sa résurrection ; car « ils apparurent dans la ville à un grand nombre d’hommes[2] », qui devaient rendre témoignage de la résurrection du Sauveur, résurrection que nous célébrons aujourd’hui dans les élans de notre joie spirituelle, afin que nous méritions de vivre éternellement avec notre Dieu et notre Sauveur qui vit et règne dans les siècles des siècles.

  1. Mt. 27, 51
  2. Id.53