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répéterait encore en disant : « je vous donne ». Que chacun l’entende comme il lui plaira ; pour moi, j’aime et je crois que vous aimez aussi, mes bien chers frères, à considérer cette paix comme celle qui nous fait vaincre l’ennemi avec ensemble, et désirer cette autre paix au sein de laquelle nous n’aurons plus d’ennemi.


5. Quant à ce que le Seigneur ajoute « Je ne vous la donne pas, comme le monde la donne », quel est le sens de ces paroles ? Le voici : je ne vous la donne pas comme la donnent les hommes qui aiment le monde. Ceux-là, en effet, se donnent la paix, afin que, débarrassés des soucis, des procès et des guerres, ils jouissent, non pas de Dieu, mais du monde qui possède leurs affections ; et quand ils donnent la paix aux justes, en cessant de les persécuter, ce n’est pas une paix véritable, car il n’y a pas de véritable accord où les cœurs sont désunis. On appelle consorts, ceux qui unissent leurs sorts ; ceux qui unissent leurs cœurs, doivent donc de même s’appeler concords. Pour nous, mes très-chers frères, Jésus-Christ nous laisse la paix et nous donne sa paix, non pas comme la donne le monde, mais comme la donne celui par qui a été fait le monde ; il nous la donne, afin que nous soyons tous d’accord, que nous soyons unis de cœur et que, n’ayant plus qu’un seul cœur, nous l’élevions en haut et ne le laissions pas se corrompre sur la terre.

SOIXANTE-DIX-HUITIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « QUE VOTRE CŒUR NE SOIT POINT TROUBLÉ ET NE CRAIGNE POINT, ETC. » (Chap. 14,27-28.)

JÉSUS-CHRIST, DIEU ET HOMME.

Les Apôtres se troublaient de voir le Sauveur s’éloigner d’eux ; mais il les console en leur rappelant que, s’il les quitte, ce n’est pas comme Dieu, et que, en qualité d’homme, il va être glorifié pat son Père. Si donc ils l’aiment, ils doivent plutôt se réjouir que se contrister


1. Nous venons d’entendre, mes frères, ces paroles que Notre-Seigneur adresse à ses disciples : « Que votre cœur ne soit point troublé « et qu’il ne craigne point. Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m’en vais et je viens à vous ; si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, parce que le Père est plus grand que moi ». Bien qu’il leur fît la promesse de revenir à eux ; dès lors qu’il s’éloignait d’eux, leur cœur pouvait se troubler et craindre que pendant l’absence du pasteur le loup vînt ravager le troupeau. Mais ceux dont l’homme s’éloignait, le Dieu ne les quittait pas. Or, Jésus-Christ est, tout ensemble, Dieu et homme ; il s’en allait donc en tant qu’homme, mais il restait en tant que Dieu. Il s’en allait par ce qui, en lui, n’était qu’en un seul lieu : il restait par ce qui, de lui, se trouvait partout. Pourquoi donc leur cœur se troublait-il et craignait-il, au moment où Jésus se dérobait à leurs yeux, sans néanmoins quitter leur cœur ? Dieu ne peut être contenu dans un lieu ; pourtant il se retire du cœur de ceux qui s’éloignent de lui ; il se retire, Don par le mouvement des pieds, mais par l’effet de leurs mœurs, et il vient vers ceux qui se tournent vers lui, non par le visage, mais par la foi, et qui s’approchent de lui, non par le corps, mais par l’esprit. Pour leur faire comprendre que, quand il disait : « Je m’en vais et je viens à vous », il parlait en tant qu’homme, il ajoute aussitôt : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, parce que mon Père est plus grand que moi ». Donc le Fils doit aller au Père par ce en quoi il