Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/325

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme l’ont fait les Juifs ; notre devoir, c’est de croire, puisque, en croyant, les disciples ont mérité ce pain de vie. Que personne ne dise ce que disaient ces Juifs : « Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger[1] ? » Que l’incrédule entende plutôt et entende avec terreur : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas en vous la vie[2] ». Comme vous croyez ces paroles de l’Évangile : « Si quelqu’un ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit[3] », et comme en les croyant vous avez mérité de renaître, croyez aussi à ces autres paroles du même Évangile : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas en vous la vie ». Peut-être, mes frères, aurions-nous été tentés de croire que ces paroles se rapportaient à la vie présente et que le corps de Jésus-Christ devait nous soustraire à l’obligation de mourir. Mais le Sauveur s’empresse de dissiper nos illusions, quand il ajoute : « Et je le ressusciterai au dernier jour[4] » ; c’était nous dire clairement que le Sacrement du corps et du sang du Seigneur n’a d’autre objet que la vie éternelle. De même donc que l’âme est la vie du corps, de même Dieu est la vie de notre âme. Jésus-Christ devient le pain de l’âme, mais de cette âme que la foi nourrit. Quoi qu’il en soit, le langage du Sauveur avait scandalisé plusieurs assistants, non seulement parmi les Juifs, mais même parmi les disciples, et l’Évangile observe que beaucoup de ces esprits faibles se retirèrent. Comme ce mouvement gagnait de proche en proche, le Sauveur se tournant vers ses Apôtres leur dit. « Est-ce que vous voulez aussi vous retirer[5] ? » Répondons avec saint Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? vous avez les paroles de la vie éternelle, et nous croyons, et nous savons que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu[6] ». Que celui donc qui reconnaît Jésus-Christ comme étant le Fils de Dieu, reçoive avec une foi entière ces paroles de la vie éternelle : « Écoutez », dit le Prophète, « écoutez, ô Israël et gardez le silence[7] ». Ailleurs : « Écoutez, prêtez l’oreille et gardez-vous de vous élever parce que le Seigneur a parlé[8] ». Ces paroles sont une défense formelle de soulever nos opinions personnelles contre des enseignements divins qui doivent être la règle de nos jugements ainsi l’a statué notre Créateur, ainsi l’a voulu notre Rédempteur. « Est-ce que la terre dit à celui qui l’a façonnée : Pourquoi m’avez-vous façonnée ainsi[9]? »
6. Laissons cependant à la sagesse humaine une certaine liberté d’investigation. En quoi donc ont pu déplaire ces mystères de Jésus-Christ qui est la sagesse éternelle ? Pour ses fidèles il est le pain de vie. Peut-on trouver étrange qu’il veuille nourrir de sa propre chair ceux qu’il a rachetés par sa propre personne ? Revenons à la naissance même des fidèles. Nous renaissons de l’eau et du Saint-Esprit. Et cette renaissance, qu’y a-t-il de plus étonnant, de plus incompréhensible, si nous sortons des données de la foi ? C’est de l’eau et de l’Esprit qu’ont dû renaître ceux qui renaissaient dans l’Esprit, de telle sorte que le Saint-Esprit devint le principe de notre procréation spirituelle. On demandera peut-être Pourquoi renaître de l’eau ? Vous auriez posé la même question, alors même que le Sauveur aurait jugé à propos de donner toute autre matière au mystère du baptême. Or, s’il est permis de discuter une institution divine, l’œuvre de notre réparation pouvait-elle adjoindre au Saint-Esprit quelque chose de plus pur et de plus simple que l’eau ? N’est-ce pas de cet élément qu’il est écrit au commencement de la Bible : « L’Esprit de Dieu était porté sur les eaux[10] ? » Il était donc naturel que l’Esprit-Saint se retrouvât porté sur ces mêmes eaux pour opérer notre salut. Mais combien de mystères nous sont révélés par cette eau de notre régénération ! D’abord, l’immersion qu’il subit apprend au néophyte qu’il doit, par mortification, être caché aux yeux du monde et se souvenir que, par le baptême, il a été enseveli pour la mort. Cette immersion faite au nom de la sainte Trinité est une véritable conception spirituelle à laquelle l’eau prête, pour ainsi dire, son sein maternel ; bientôt le néophyte reparaît à la lumière, son âme est entièrement purifiée par l’effet du sacrement et par la grâce du Saint-Esprit, la grâce faisant ici pour la purification des âmes ce que fait l’eau naturelle pour la purification des corps. Vient ensuite l’Onction, image prophétique de la grande dignité à laquelle

  1. Jn. 6, 52
  2. Id.53
  3. Id. 3, 5
  4. Id. 40-51
  5. Id. 67
  6. Id.68,69
  7. Sir. 32, 9
  8. Jer. 13, 15
  9. Rom. 9, 20
  10. Gen. 1, 2