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par Dieu contre les sacrifices de l’ancien peuple : « Ma volonté n’est plus en vous », dit le Seigneur, « et je ne recevrai plus de sacrifice de votre main[1] ». Comment donc l’homme sera-t-il consacré à Dieu, si les sacrifices disparaissent ? car dès que les sacrifices manquent, les sacrilèges abondent. Écoutez ce qu’ajoute le Prophète, toujours au nom du Seigneur : « Car depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, mon nom sera glorifié parmi les nations, et en tous lieux une oblation pure sera sacrifiée et offerte à mon nom ». Ce ne sont donc pas tous les sacrifices qui doivent disparaître, mais seulement les sacrifices sanglants. Dieu réprouve la victime qui lui est offerte par un seul peuple, et il annonce qu’il agréera l’offrande pure qui, de l’Orient à l’Occident, lui sera faite par toutes les nations. Il serait trop long de montrer, par exemple, que l’agneau pascal, qui devait être sans tache et âgé d’un an, n’était que la figure de Jésus-Christ lui-même dont il annonçait les souffrances, la passion et la mort.
3. Passons à l’Évangile et montrons que ceux qui viennent de puiser dans le baptême par l’eau et le Saint-Esprit les principes de la vie éternelle, ne doivent pas hésiter à chercher la vie dans le corps et le sang du Sauveur. Mes frères, recueillez avidement cette doctrine et n’espérez pas que je puisse attirer quelqu’un à Jésus-Christ, si Jésus-Christ ne l’attire à son Père, ou si le Père ne l’attire au Fils, selon cette parole : « Personne ne peut venir à moi, si mon Père, qui m’a envoyé, ne l’attire[2] » ; et il s’agit ici d’attirer non par la force ou la toute-puissance, mais par l’amour, le désir et la charité. Est-ce que le plaisir n’a pas une puissance d’attraction comme la nécessité ? L’âme a sa délectation qui l’entraîne ; l’amour de Jésus-Christ a ses chaînes qui délivrent des chaînes du péché et nous conduisent au Père, par le mérite de l’innocence. Vous suivez donc celui que vous aimez, et vous êtes attiré en quelque sorte par celui que vous suivez avidement. C’est ainsi que le Père attire ses amis à Jésus-Christ, et que Jésus-Christ attire ses amis au Père. L’important, c’est que vous puissiez adresser à celui que vous aimez cette parole prophétique : « En vous suivant, je n’ai éprouvé ni peine ni fatigue[3] » ; c’est-à-dire que dans tout ce qui concerne la vie, je n’ai senti la fatigue et le besoin d’aucune investigation curieuse, mais j’ai joui d’un doux repos, tant la foi m’inspirait de sécurité !
4. Vous apprendrez alors, dans toute la joie et l’enivrement de votre âme, où est votre salut et votre vie ; vous l’apprendrez dans ces paroles mêmes du Sauveur : « Je suis le pain de vie[4] ». En effet, il est véritablement le pain de vie, mais pour ceux qui vivent de la foi, selon cet oracle : « Le juste vit de la foi[5] ». Écoutez donc et accueillez cette parole : « Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel[6] ». Il est le pain, et il est le pain vivant parce qu’il est descendu du ciel ; car où la mort régnait par le péché sur la terre, la vie devait vivre par le pain vivant, et vivre de la vie du ciel. Il ne me paraît pas que ce soit pousser trop loin la subtilité, que d’établir une différence entre le pain vivant et le pain de vie, de telle sorte que si le pain vivant possède la vie, le pain de vie paraisse conférer la vie à ceux qui la reçoivent. C’est la pensée qui ressort du contexte. En effet, après avoir dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel », le Sauveur ajoute : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement[7] », nous annonçant par là qu’il est venu apporter la vie éternelle, qu’il possède en lui-même, à ceux qui mangeront sa chair et boiront son sang.
5. Viennent ensuite les paroles qui furent pour les Juifs un sujet de dispute : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie de ce mond[8]e ». Ces paroles sont bien propres à soulever les murmures et à secouer la torpeur de ceux qui dorment et oscillent dans la foi, c’est-à-dire de ceux qui veulent comprendre avant de croire ; c’est à ceux-là que s’adresse cet arrêt si juste de la majesté divine : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez point[9] ». Si donc nous voulons comprendre, avant tout nous devons croire tout ce que notre Sauveur nous a enseigné ou institué ; car celui qui croit obtient pour récompense la faveur de comprendre, tandis que l’erreur de l’ignorance est le châtiment de celui qui ne croit pas. Or, dit le Sauveur, « le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde ». Nous n’avons pas à soulever de dispute sur cette parole,

  1. Mal. 1, 10,11
  2. Jn. 6, 44
  3. Is. 40, 31
  4. Jn. 6, 35
  5. Rom. 1, 17
  6. Jn. 6, 51
  7. Jn. 6, 51-58
  8. Id.51
  9. Is. 7, 9