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mais en le rachetant. Par un mystère ineffable d’équité et d’amour, Notre-Seigneur se fit véritablement homme, afin que l’homme rachetât l’homme en faisant souffrir la chair pour la chair. Il vint donc dans la ressemblance de la chair de péché, afin que, en payant, par la croix, le salaire du péché, il eût le droit de détruire le péché de la chair. Sur la terre, un créancier qui réclame plus qu’il ne lui est dû, perd, par cela même, tout droit à une revendication ; car, pour me servir de ses propres expressions, il a encouru le danger de demander davantage. Ce principe peut, en quelque manière, s’appliquer au démon. L’homme lui était dû, mais il exigea un Dieu et perdit ainsi sa cause ; en demandant trop, il courut le danger de ne rien obtenir. N’était-ce donc pas justice, mes frères, que celui qui s’était précipité sur l’innocent perdît le coupable, et que celui qui avait poursuivi le juste vît s’échapper le criminel ? En désirant ce qui lui était défendu, il perdit donc ce qui lui appartenait en toute rigueur de justice ; l’iniquité retomba sur son auteur. En sévissant contre Celui qu’il ne pouvait subjuguer, il perdit ce qu’il possédait, et il ne trouva pas ce qu’il cherchait ; il avait envahi l’esclave, et il portait déjà la main sur le Seigneur ; c’est justice que, en poursuivant cette double proie, il ait éprouvé une double déception. En effet, l’esclave se trouvant racheté lui échappa, et le Seigneur, en ressuscitant, remporta le plus glorieux triomphe.
3. C’est un véritable passage que nous célébrons en ce jour, parce que Jésus-Christ met en fuite la mort et reparaît plein de vie. À notre tour, efforçons-nous de ressusciter avec lui. S’il est descendu jusqu’à nous, c’est afin que nous montions jusqu’à lui. En revêtant notre humanité, il l’a élevée jusqu’au ciel, afin que, par la foi et par l’espérance, nous quittions les œuvres terrestres pour nous élever jusqu’aux choses célestes. Le Sauveur a pénétré jusque dans les limbes, afin de nous racheter ; il est monté au ciel, afin de nous entraîner à sa suite. Il est écrit : « Le chef de l’homme, c’est Jésus-Christ[1] ». Jésus-Christ est donc notre chef ; nous sommes son corps ; ne nous éloignons pas des traces de notre Père ; puisque notre chef est au ciel, efforçons-nous de réunir le corps à la tête. Voilà pourquoi c’est une gloire pour l’homme d’offrir à Dieu des fils ou des filles, puisque Dieu a offert pour nous son Fils unique. Le père de nombreux enfants croit faire beaucoup que d’en offrir un au Seigneur, et Dieu a livré pour nous son Fils unique ; nous hésitons à consacrer à Dieu nos enfants, et pour nous Dieu n’a pas épargné son Fils unique. « Quelles dignes actions de grâces rendrons-nous à Dieu pour tous les biens dont il nous a comblés ?[2] » L’offrande même de tous nos fils serait-elle une reconnaissance suffisante ? Pour nous, Dieu a livré son Fils à la mort ; et si nous offrons nos enfants à Dieu, c’est afin qu’ils vivent. Notre Sauveur a obéi à l’ordre et à la volonté de Dieu son Père.

TRENTE ET UNIÈME SERMON.

SUR LA FÊTE DE PÂQUES. (ONZIÈME SERMON.)

ANALYSE. —1. Raison du mot Pâque. —2. Jésus-Christ l’agneau de Dieu immolé pour notre salut. —3. Les membres de Jésus-Christ ne furent pas brisés ; Jésus-Christ est mort pour Adam.


1. On regarde comme un parricide le sacrifice d’un fils immolé par son père ; tel eût été le sacrifice du Sauveur si, en mourant, il n’eût pas dû ressusciter le troisième jour. Jésus-Christ

  1. 1 Cor. 2, 3
  2. Ps. 115, 12