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du monde[1] ». Vous demandez pourquoi Jésus-Christ ne s’est pas soustrait à ce crime ? Parce que son sang était dû pour le rachat du monde. Quel crime avait donc commis le monde, pour que le sang ait dû servir à sa délivrance ? Il avait encouru la malédiction de la loi, et Dieu, voulant rester fidèle à sa promesse, livra lui-même son Fils, dont le sang, quoique criminellement versé, devait être la rançon du pécheur condamné à la mort éternelle. Un tel jugement de Dieu est assurément inspiré par l’amour, et sans porter atteinte à son affection paternelle, il a fait retomber sur son Fils la condamnation qui pesait sur le genre humain, et a voulu que sa mort momentanée devînt le salut de l’univers.

3. O profond mystère d’amour ! Le monde pèche, et Jésus-Christ est immolé, de telle sorte que Dieu, la justice et l’amour infinis, maintient le décret qu’il avait porté et détruit le péché sans détruire l’innocence. Telle est la vérité que Jésus-Christ lui-même a fait entendre, avant même l’effusion de son sang pour le salut du monde : « C’est ainsi que Dieu a aimé le monde, jusqu’à livrer pour lui son Fils unique, afin que celui qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle[2] ». De son côté, l’apôtre saint Paul s’écrie : « Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en se faisant maudit pour nous ; car il est écrit : Maudit soit quiconque est pendu au gibet[3] » ; et encore : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous[4] ? » « Si Dieu n’a pas épargné son propre Fils et s’il l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous a-t-il pas tout donné[5]? » Vous demandez pourquoi Dieu n’a pas épargné son Fils ; parce que, dans la résurrection, ce Fils devait lui être rendu. En effet, une majesté éternelle ne peut ni mourir ni finir. Mais si le Fils de Dieu ne pouvait naturellement ni mourir ni finir, cependant il a voulu être crucifié, afin de se dépouiller de son corps mortel ; d’un autre côté, la barbarie des Juifs a été déjouée, car Jésus-Christ, mort, nous a été rendu par la résurrection.

4. Voyez maintenant le Fils de Dieu ressuscitant des enfers ; il porte sur son corps les cicatrices de sa passion, à l’aide desquelles il put se faire reconnaître ; car, s’il l’eût voulu, il aurait fait disparaître toutes les traces de son sacrifice ; lui qui a pu ressusciter, ne pouvait-il pas se guérir ? Il salue ses Apôtres et reçoit leur salut ; il mange avec eux, il se réjouit d’avoir accompli l’œuvre de la rédemption, pour laquelle il est descendu sur la terre. Ainsi donc, mes frères, puisque vous êtes rachetés, demandez avec nous les biens que vous désirez ; après nous avoir délivrés par son sang, que Jésus-Christ nous comble de tous les biens.




VINGT-NEUVIÈME SERMON.

SUR LA FÊTE DE PÂQUES.

(NEUVIÈME SERMON.)



ANALYSE. — 1. Le corps de Jésus-Christ est un temple. — 2. Ce temple a été rebâti par le Père comme par le Fils. — 3. Le nombre de quarante-six ans désigne les quatre parties de la terre. — 4. Ce nombre mystique se retrouve dans Adam. — 5. Il se retrouve aussi dans la naissance du second Adam. — 6. Conclusion.

1. Dans l’Évangile selon saint Jean, nous lisons que les Juifs, jaloux de toutes les merveilles opérées par le Sauveur, lui posèrent cette question : « Quel signe nous donnez-vous du pouvoir que vous avez de faire ces choses ? » Le Seigneur leur répondit :

  1. Jn. 1, 29
  2. Jn. 3,16
  3. Gal. 3, 13
  4. Rom. 8, 31
  5. Id.32