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ombres de la mort et que nous nous réjouissions éternellement en Notre-Seigneur Jésus-Christ souffrant, ressuscitant et montant au ciel. Par lui puissions-nous nous élever et nous convertir au Seigneur. Le Seigneur est né, et le monde a repris naissance ; il a souffert, et l’homme a été sauvé ; il est ressuscité, et l’enfer a gémi ; il est monté au ciel, et le trône paternel a tressailli de joie. Pendant que le Sauveur souffrait, les morts ressuscitaient et les vivants se réjouissaient ; lorsqu’il ressuscita, les captifs sentaient leurs chaînes disparaître, et les anges ne pouvaient contenir leur joie ; quand il monta au ciel, les esprits célestes furent enivrés de bonheur, et les Apôtres furent attristés ; « mais leur tristesse se changea en joie[1] », et dissipa les ténèbres qui les retenaient dans l’erreur. C’est ainsi que pour nous, après la nuit de labeur, rayonne la joie de la lumière à la splendeur du Dieu Sauveur, selon cette parole : « Vous avez changé ma tristesse en joie[2] ».

3. La mort de Jésus-Christ déchirait le voile du temple, brisait les cœurs les plus durs, couvrait la nature d’épaisses ténèbres et inondait nos visages de clartés spirituelles, afin « de nous faire contempler la gloire du Seigneur à visage découvert[3] ». Un voile mystique enveloppait la loi ancienne ; ce voile a été déchiré ; « la nuit a précédé, le jour s’est approché[4] ». Car voici « Le jour que le Seigneur a fait, qu’il soit pour nous un sujet de joie et d’allégresse[5] ». Tous les jours sont l’œuvre de Dieu, mais celui-ci a été marqué de son sang. Les morts ressuscités se sont réjouis, combien plus la joie de ce jour doit-elle nous faire tressaillir. Ces morts parcouraient la cité sainte ; pour nous, nous irons à la sainte Église ; ils se réunissaient au banquet des saints, pour nous, nous participerons à la table des mystères de Dieu. Que l’armée des anges s’associe à notre joie et à notre banquet, offrons nos présents, élevons nos cœurs et modulons sur nos cithares ce chant d’allégresse : « Je monterai à l’autel de Dieu, au Dieu qui réjouit ma jeunesse[6] ». Nos iniquités sont pardonnées, nos chaînes sont rompues ; car c’est Dieu lui-même qui réjouit notre âme ; disons donc de nouveau : « Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse ».

4. Que personne ne s’attriste s’il se sent pressé par de vives exhortations de prendre la vie plutôt que sa dignité. Quelle que soit, d’ailleurs, la simplicité de son vêtement, qu’il lui suffise de briller par les qualités de l’esprit et du cœur ; car il possédera de cette manière la plus belle gloire, celle de trouver sa joie, non pas dans un vêtement, mais dans la sainteté de ce grand jour. En effet, on ne nous dit pas : Tressaillons dans notre vêtement ; mais : « Réjouissons-nous en ce jour ». Ce jour ne connaît pas les ténèbres, parce que lui-même le premier a dissipé les ténèbres ; il ne connaît pas l’obscurité, puisqu’il a chassé toute obscurité ; il ne connaît pas la calomnie et la suggestion du mal, parce que sur la croix il a détruit nos titres au châtiment. Par son innocence le Rédempteur nous a mérité l’élection divine, le calomniateur s’est enfui, le père du mensonge a perdu sa cause. Jour d’indulgence, jour de rémission, jour de délivrance ! La joie fait tressaillir les vivants, et les morts éprouvent un soulagement ineffable. Ce jour joyeux, large, libre et éclatant, « est comme mille années en présence de Dieu[7] » ; car « c’est vraiment le jour que Dieu a fait ». Celui qui, toute sa vie, persévérera dans l’amour de Dieu, méritera de se réjouir éternellement dans ce jour, dans lequel les saints feront entendre des chants d’allégresse, seront inondés de toutes les splendeurs, partageront les joies du Sauveur et diront et répéteront en chœur : « Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse ».

  1. Jn. 16, 20
  2. Ps. 29, 12
  3. 2 Cor. 3, 18
  4. Rom. 13, 12
  5. Ps. 117, 24
  6. Ps. 42, 4
  7. Ps. 89, 4