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porté dans son sein le Verbe fait chair, sans en ressentir aucun poids. Pourquoi ne ressentit-elle aucun fardeau ? parce que la lumière est impondérable. Quel fardeau pouvait ressentir la sainte Vierge Marie, puisque le Seigneur s’était reposé en elle « comme la pluie descend sur la toison[1] ? » Elle mit au jour la perle précieuse, et sa virginité n’en éprouva aucune atteinte.
3. Plusieurs hérétiques, et en particulier les Manichéens, soutiennent que le Seigneur n’a pu naître d’une femme. Le Manichéen s’écrie : Je ne reçois ni Moïse ni les Prophètes. Eh quoi, Manichéen ! que faites-vous donc de l’apôtre saint Paul qui prélude ainsi dans son épître aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, a choisi pour l’Évangile de Dieu, qu’il avait a promis auparavant par ses Prophètes dans ales saintes Écritures, touchant son Fils qui a lui a été donné de la race de David selon la chair[2] ». C’est en vain, ô Manichéen, que vous vous élevez contre le Prophète, puisque l’Apôtre vous atteste que « le Fils de Dieu a été fait de la race de David selon la chair ». Ce que les Prophètes avaient prévu et annoncé, les Apôtres l’ont vu et prêché. Qu’était-il, et qu’a-t-il été fait ? Il était le Verbe, et le Verbe s’est fait chair ; le Fils de Dieu est devenu le Fils de l’homme. Il était Dieu, et il s’est fait homme ; il a revêtu notre humanité sans perdre sa divinité ; il s’est abaissé et il est resté le Très-Haut ; il s’est fait homme sans cesser d’être Dieu. Voici ce que nous dit lui-même le Créateur des hommes, le Fils de l’homme : Qu’est-ce qui vous scandalise dans ma naissance ? La convoitise n’est entrée pour rien dans ma conception ; je suis le créateur de la mère qui m’a donné la naissance ; j’ai moi-même préparé et purifié la voie que je devais suivre dans ma course. Cette femme que vous méprisez, ô Manichéens, c’est ma mère ; c’est moi qui l’ai créée de ma propre main. Si j’ai pu me souiller en la formant, j’ai pu me souiller en sortant de son sein. De même que, dans mon passage, sa virginité n’a subi aucune atteinte ; de même ma souveraine majesté n’a reçu aucune souillure. Le rayon du soleil peut dessécher un marais de fange, sans en être aucunement souillé ; combien plus la splendeur de la lumière éternelle peut-elle purifier tout ce qu’elle touche, sans en recevoir aucune souillure. Insensés, où donc trouvez-vous des taches en Marie, puisqu’elle a conçu en dehors de toute concupiscence, et qu’elle a enfanté sans aucune douleur ? Des souillures dans une mère vierge qui n’a jamais connu d’homme ? des souillures dans une demeure dont personne ne s’est jamais approché ? Dieu seul vint à elle ; il y prit un vêtement qu’il n’avait pas ; et, la trouvant fermée, il la laissa fermée. De même qu’« il est le seul libre entre les morts[3] », de même la pudeur de la Mère dont il est né est seule restée dans toute son intégrité ; car la Vierge a enfanté un Fils vierge et est demeurée vierge ; vierge avant l’enfantement, vierge après l’enfantement. Elle conçoit, et elle est vierge ; elle engendre, et elle demeure vierge. Eve par sa désobéissance a mérité le châtiment ; Marie par son obéissance a obtenu la grâce, parce qu’elle a engendré le Sauveur de tous les croyants, Celui qui vit avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Ps.31,6
  2. Rom. 1, 1-3
  3. Ps. 87, 6