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naître. Il a créé sa Mère ; or, il demeure éternellement avec son Père. Il a revêtu notre humanité, il est né d’une mère qu’il avait formée lui-même en régnant avec son Père ». Tel est le sens de ces paroles du Prophète : « Sion est ma mère, dira un homme, un homme a été fait en elle, et le Très-Haut lui-même l’a établie[1]». Que les cieux tressaillent, et que la terre se réjouisse ; que les cieux tressaillent, parce qu’ils n’ont personne pour les accuser ; que la terre se réjouisse, parce qu’elle a germé son Sauveur. Qui donc pourra trouver le secret d’un don si précieux ? L’Apôtre, parlant de ce secret, n’a pas craint de dire « qu’il était caché depuis les siècles[2] ».
2. La Mère du Sauveur, irrévocablement attachée à sa virginité, demanda à l’Ange comment elle pourrait concevoir sans porter aucune atteinte à sa pudeur : « Comment », dit-elle, « cette promesse pourra-t-elle s’accomplir, puisque je ne connais pas d’homme[3]? » Les Prophètes m’ont appris qu’une vierge devait enfanter, mais je n’ai jamais su comment ce prodige devait s’accomplir. Je vous en prie, bienheureux Gabriel, ange de Dieu, expliquez à une chaste vierge le secret d’un aussi grand mystère. Vous m’avez adressé une salutation inouïe jusque-là, ajoutez-y une consolation pour ma virginité, car je l’ai vouée à Dieu, je me suis engagée à le servir dans son temple. Dites-moi donc : « comment cela se fera, puisque je ne connais pas d’homme ». L’Ange lui répondit : Vous ne connaîtrez pas d’homme, mais vous connaîtrez le mystère : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ». Marie avait dit : Expliquez-vous, ô envoyé de Dieu, car ce que vous m’annoncez est extrêmement sérieux : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme », et il en sera ainsi tant que je vivrai. Contemplez cet Ange instruit du mystère, et Marie en demandant l’explication. O Marie, écoutez « comment cela se fera » votre virginité n’aura pas à souffrir, votre pudeur ne subira aucune atteinte ; pour vous, croyez la vérité, du moment que votre virginité est sauve, soyez en toute sécurité ; parce que votre foi est parfaite, votre virginité restera intacte. Écoutez comment cela se fera : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre » ; parce que vous concevez par l’espérance en croyant, vous deviendrez mystérieusement féconde ; « voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu ». Et comme son arrivée en vous est insensible, sa sortie le sera également. Dieu peut-il être un fardeau ? Marie répondit : S’il en est comme vous le dites, je m’incline avec joie devant votre voix angélique. En refusant de croire, je ferais injure à Celui qui vous a envoyé, et Dieu pourrait me frapper de mutisme, comme l’a été Zacharie. L’Ange répliqua : O Vierge, ne soyez point incrédule, mais fidèle ; « le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre » ; vous ne connaîtrez pas les ardeurs de la concupiscence, parce que tout ici défie les règles ordinaires de la mortalité et reflète les caractères de la sainteté la plus parfaite. Marie dit à son tour : Si Dieu, en me conférant la maternité, me laisse ma virginité, « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole[4] ». Oh ! que Marie est heureuse d’avoir cru ; Celui que le monde ne peut contenir, elle l’a porté dans son sein, l’a conçu par la foi et l’a formé de sa chair et de son sang ; de la virginité a germé la rédemption pour ceux qui croient.
3. O bienheureuse Marie, à quel titre avez-vous donc mérité de devenir la Mère du Sauveur ? Par quel privilège Celui qui vous a créée est-il venu à vous ? D’où vous vient une si grande faveur ? Vous êtes vierge, vous êtes sainte, vous avez fait un vœu ; ce que vous avez voué, vous l’avez reçu de lui, et cependant qu’il est grand, Celui que vous avez enfanté ! Réjouissez-vous, sainte virginité, réjouissez-vous d’être ainsi protégée par le message d’un Ange. Votre pudeur vous est conservée dans toute son intégrité, et pourtant vous êtes réellement la Mère du Sauveur. Votre enfantement sera célébré par toute l’armée angélique, par toute la milice céleste. Bientôt un ange va porter la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur aux pasteurs qui veillaient dans les champs : « Bienheureux les serviteurs que le Seigneur trouvera éveillés lorsqu’il viendra[5] ». Jésus-Christ est venu pour nourrir ceux qui ont faim, pour rendre les captifs à la liberté, pour éclairer les aveugles, pour ressusciter les morts ; des enfants de colère, qu’il fasse des vases de miséricorde, afin que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle et louent avec les Anges la naissance du Sauveur.

  1. Ps. 86, 5
  2. Col. 1, 26
  3. Lc. 1, 34
  4. Lc. 1, 38
  5. Id. 12, 37