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nous avons dû en remettre le commentaire et nous appliquer exclusivement à l’objet du mystère que nous avons célébré. « Je me suis tourné », dit le Prophète, « vers la porte de la voie extérieure des saints, laquelle regarde l’Orient, et elle était fermée. Et le Seigneur me dit : Cette porte sera fermée et ne s’ouvrira point, et personne n’y pénétrera, parce que le Seigneur, Dieu d’Israël, y entrera lui-même ; il en sortira et elle sera fermée[1] ». Donnez-moi donc l’explication de cette porte par laquelle le Seigneur est entré et sorti, sans que l’on pût expliquer son entrée et sa sortie. « Cette porte sera fermée et ne sera point ouverte, parce que le Seigneur, Dieu d’Israël, y entrera lui-même ; il en sortira ensuite et la porte restera fermée ». Cette porte est certainement une allégorie, sous le voile de laquelle la chasteté virginale de Marie nous est clairement désignée. Comment le prouvons-nous ? Écoutons Job : « Maudit soit le jour où je suis né, puisqu’il n’a pas fermé la porte du sein de ma mère lorsqu’elle m’a enfanté[2]» C’est dans le même sens que le Prophète se sert du mot porte pour désigner le sein de Marie, où personne que Dieu lui-même n’est entré et d’où personne que lui n’est sorti. Le Verbe y est entré pour en sortir revêtu de notre propre humanité, à l’exclusion du péché ; et soit y entrant, soit en sortant, il a laissé cette porte absolument fermée ; car c’est de lui qu’il est écrit : « Ce qu’il ouvre, personne ne le ferme, et ce qu’il ferme, personne ne l’ouvre[3] ». Levez-vous donc, Isaïe, levez-vous dans la joie, donnez la main à Ézéchiel et applaudissez dans le Saint-Esprit à la gloire de la nativité du Seigneur. Que David accoure également avec sa cithare divinement harmonieuse pour chanter la naissance du Sauveur, dont les mystères défieront à jamais toute l’harmonie de la terre. Isaïe s’écriait : « Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nues pleuvent le juste ; que la terre s’ouvre et fasse germer son Sauveur[4] ». Quelle est cette terre ? C’est notre chair, mais restée parfaitement pure comme elle l’était en Marie. « Que la terre germe son Sauveur » : ces paroles n’ont pas besoin de commentaire. Il ne s’agit pas ici d’une semence charnelle, mais de la rosée céleste ; non pas de la pluie naturelle, mais de l’action divine ; car ce mystère est tout entier l’œuvre de Dieu, la créature n’y est qu’un agent purement passif ; c’est ce que David exprime en ces termes : « Il est descendu comme la rosée se distillant sur la terre[5] ». Il dit également : « La terre donnera son fruit » ; et par ces paroles il désigne spécialement le sein de Marie. On peut dire de ce sein qu’il a véritablement donné « son fruit », puisque rien ne lui est venu d’ailleurs.
26. Si vous éprouvez encore quelque doute, affermissez votre foi par des exemples. Dès l’origine du monde, après la formation complète du corps d’Adam, une côte est soustraite de ce corps, et nulle part on ne trouve l’endroit d’où cette côte a pu être arrachée ; Adam perd un de ses os, et cependant il reste parfait dans son entier. Nulle part on ne remarque la cicatrice, nulle part on ne trouve de vestige de cette disparition. Une côte sort du côté, et le corps ne perd rien de sa plénitude. Ce qui sort est parfait, ce qui reste est entier. Je vais plus loin encore et j’ajoute, que sans porter atteinte à quoi que ce soit, cette côte a pour ainsi dire engendré d’elle-même un corps humain ; deux corps se sont trouvés au lieu d’un, sans que la mère ait subi aucune diminution. Ainsi donc la puissance divine a pu soustraire une côte au flanc de l’homme, sans que le corps en ressentît aucune atteinte ; et un Dieu sortant du sein d’une vierge n’aurait pu conserver son intégrité ? Pourtant aucun homme, à l’exception du juif, ne pousse la folie jusqu’à nier que ce soit le Verbe lui-même qui ait opéré ce prodige sur le corps du premier homme. Et ce qu’il a fait en formant la première femme, le Verbe n’aurait pu le faire lorsqu’il revêtait notre humanité dans le sein de Marie ? Il n’a pas permis que le corps d’Adam laissât paraître aucune trace de ce qui se passait, et il aurait permis que la virginité ou la pudeur de sa Mère subît quelque atteinte ! Mais, dites-vous, « Dieu remplit de chair le vide laissé par la disparition de la côte[6] », et ne causa aucune souffrance. De même, en sortant du sein de sa Mère, le Verbe incarné ne déchira point sa pudeur et ne laissa aucun signe de corruption là où s’était déployée toute la puissance divine.

  1. Ezéch. 44, 1,2
  2. Job. 3, 3,19
  3. Apoc. 3, 17
  4. Isa 45, 8
  5. Ps. 61, 6
  6. Gen. 2, 21