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trois auteurs de la révolte furent engloutis, mais leurs complices furent dévorés par des flammes sorties de la terre ; « la terre s’ouvrit », dit l’Écriture, « et engloutit Dathan… et le feu consuma leurs compagnons ». Alors le Seigneur ordonna à Moïse d’apporter dans le tabernacle une verge de chacune des tribus. Douze verges furent présentées, parmi lesquelles se trouvait celle de la tribu de Lévi, et appartenant au prêtre Aaron ; elles furent toutes placées dans le tabernacle de l’Alliance, et le lendemain il se trouva que la verge d’Aaron avait produit des feuilles, des fleurs et des fruits.
21. Ce fait et la perfidie qui en fut l’occasion méritent un examen sérieux, car nous y trouvons une figure sensible du mystère que nous étudions. Une verge produit ce qu’elle n’avait pas. Elle n’avait aucune racine, elle n’était même pas enfoncée dans la terre, elle n’avait aucune sève, aucune semence ne pouvait la féconder, et cependant elle porte des fleurs, des feuilles et des fruits. Elle avait entièrement perdu la fécondité qu’elle pouvait tenir de l’arbre auquel elle avait appartenu, et cependant, en témoignage du sacerdoce suprême, elle produit ce qui n’était pas en elle ni en son pouvoir ; car il était contre sa nature de verge desséchée de produire des fleurs et des fruits. Et une Vierge n’a pu engendrer, contre l’ordre de la nature, le Fils de Dieu ? Je vous dirai comment la Vierge a conçu et enfanté ; montrez-moi de votre côté comment une verge complètement desséchée a pu germer. Mais je conçois que vous ne puissiez expliquer ni la fécondité de la verge, ni l’enfantement de la Vierge. Si donc vous ne pouvez dire comment cette verge d’Aaron a produit des fruits, pourrez-vous dire comment une Vierge a conçu et enfanté la Vérité ? Ainsi donc, puisque vous ne pouvez expliquer le mystère d’une Vierge devenue féconde, acceptez les effets de l’Incarnation divine.
22. Venez à moi et je vous dirai ce que j’ai entendu intérieurement, Sur ce sujet, ce qui me trouble, ce n’est point la raison, mais la pudeur, et je veux, dans mes paroles, apporter toute la réserve possible, pourvu que la foi ne coure aucun danger. Pardonnez-moi, Seigneur Jésus, et épargnez ma bouche ; car je reconnais tout ce qu’il y a de témérité de ma part à décrire le mystère de votre incarnation ; il est vrai que vous avez tenu fermé le sein dans lequel vous avez voulu naître, mais vous nous avez permis d’ouvrir votre Évangile aux incrédules. Je dirai donc ce qui s’est passé dans le secret de la nature. Marie, comme toute autre femme, possédait ce qui est requis pour la génération. Le Verbe lui-même vint se mêler à son sang pour le solidifier, et la substance de ce sang ainsi coagulé produisit la chair. Survint alors l’action de l’Esprit-Saint qui forma cette masse jusque-là informe, en distingua les parties et en produisit l’homme dont les linéaments cachèrent réellement la divinité. Vous savez maintenant comment la Vierge a conçu. Si vous me demandez ensuite comment elle a enfanté, je vous le dirai encore. Elle a enfanté comme elle a conçu ; de même que l’enfant s’était mystérieusement formé dans son sein, il en sortit d’une manière incorruptible comme il y était entré. Ici, du reste, tout se passa selon l’ordre de la nature ; la Vierge accomplit la durée de la gestation, tandis que la verge d’Aaron ne subit point le temps de la germination. Ce ne fut qu’après neuf mois que Marie enfanta ; et après trois jours la verge avait germé, quoique par elle-même elle fût entièrement desséchée. Nous savons du premier homme qu’il n’eut ni père ni mère et qu’il fut formé du limon de la terre. Comment un corps peut-il être formé sans venir d’un autre corps ; comment la chair peut-elle exister sans venir de la chair ? Le premier homme sortit en quelque sorte du sein de la terre, comme l’enfant sort du sein de sa mère, avec cette différence qu’aucun principe générateur venant de l’homme n’y avait été déposé. Si donc, sur le sujet qui nous occupe, je crois plus facile de recourir à une comparaison, que votre conviction n’en soit nullement ébranlée. Le rayon du soleil pénètre un miroir, sans que la densité de la glace fasse obstacle à la subtilité insensible du rayon solaire, et le soleil se voit à l’intérieur comme à l’extérieur. En pénétrant dans la glace, il ne la brise pas ; en en sortant, il ne la souille point, et malgré l’entrée et la sortie du rayon solaire, le miroir reste dans sa parfaite intégrité. Le rayon du soleil ne brise pas le miroir ; et l’entrée ou la sortie de la vérité aurait pu vicier l’intégrité de Marie ?
23. Mais pourquoi insister plus longtemps ? Que le chrétien entende ce que ne veut pas entendre le juif ; ainsi racheté, le chrétien