Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nouvel époux de la chair, il est sorti du tabernacle vivant dans lequel il s’était renfermé, et l’on oserait mettre des bornes à la sainteté de ce sein virginal dans lequel a trouvé bon de se renfermer le Dieu que le : monde lui-même ne saurait contenir ?
17. Le Seigneur apparut à Moïse sur la montagne d’Horeb, dans un buisson ardent qui brûlait sans se consumer ; la flamme enveloppait les épines et ne les dévorait pas. Malheur à vous, pécheurs, qui entendez ces paroles et passez sans y faire attention ! La flamme étincelait et les épines n’étaient point consumées. Les corps brûleront en enfer, et ce feu sera éternel comme le châtiment des coupables. Et une voix se fit entendre : « Moïse, Moïse, ôtez la chaussure de vos pieds, car le lieu dans lequel vous vous trouvez est une terre sainte[1] ». Si donc cette terre a été sanctifiée parce que la majesté divine y était apparue, combien plus ce sein de Marie dans lequel la divinité devait habiter n’a-t-il pas dû être sanctifié ? C’était la lumière qui entrait dans les ténèbres et faisait étinceler de son éclat la demeure tout entière. La lumière véritable, c’est-à-dire Dieu lui-même, est entré dans le sein de Marie et lui a communiqué sa sainteté. Il était donc d’une sainteté parfaite, ce sein dans lequel la sainteté même est entrée, qu’elle a sanctifié et dont elle est sortie sans subir la plus légère atteinte, selon cette parole de l’ange : « Voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu[2] ».
18. Affirmons-le donc sans crainte : non, il n’a pas dédaigné d’entrer dans le sein de Marie, Celui qui n’a pas dédaigné d’entrer dans la fournaise ardente, comme l’atteste Nabuchodonosor : « N’avons-nous pas envoyé trois hommes au milieu du feu ardent ? Comment donc puis-je en voir quatre se promenant en toute liberté dans les flammes, sans qu’elles leur portent aucune atteinte ; et le quatrième porte la ressemblance du Fils de Dieu[3] ? » Celui-là donc qui est entré dans la fournaise ardente, est entré dans le sein de Marie restée vierge. Quel est celui qui est entré dans la fournaise ? le Fils de Dieu. Quel est celui qui est entré dans le sein de Marie ? le Fils de Dieu. De là il chassait la flamme ; ici il chassait la nature. De même donc qu’il fut au milieu de la fournaise ardente sans brûler, de même il sortit du sein de Marie sans porter aucune atteinte à son intégrité. Il entra dans la fournaise ardente pour en tirer les trois jeunes Israélites ; et il n’aurait pas dû entrer dans le sein de Marie quand il s’agissait de racheter le monde tout entier ?
19. Mais, disent les Juifs, Marie n’a pu enfanter contre la nature. O étrange impudence, toujours frappée et ne s’avouant jamais vaincue ! Sans cesse vous êtes convaincu d’erreur et vous ne cédez pas ; combien moins la vérité doit-elle céder, elle quine tombe jamais et triomphe toujours, selon cette parole de l’Écriture : « La vérité triomphe, s’affermit, vit et règne dans les siècles[4] ». Marie, dit-on, n’a pu enfanter contre la nature. Ceux qui tiennent ce langage se sont flattés sans doute de nous avoir en quelque chose ravi la victoire. Aussi nous provoque-t-on au combat, mais je ne craindrai pas, aucune terreur n’arrivera jusqu’à moi ; car celui qui me provoque est déjà frappé à mort. Marie n’a pu enfanter contre la nature, ce n’est donc pas contre la nature que la verge d’Aaron a fleuri dans le tabernacle de l’Alliance, sans aucun secours naturel. Tout manquait à cette floraison, la semence, les racines, les sucs de la terre. La verge, par sa nature, avait possédé tout cela, mais en perdant ses racines elle avait tout perdu. Et cependant, malgré l’absence de tout principe naturel de fécondité, la verge d’Aaron fleurit, sans aucune sève, sans aucune semence, sans aucune racine.
20. Mais ce fait d’histoire paraît ignoré de quelques-uns ; je le raconterai brièvement. Coré, Dathan et Abiron, par esprit de jalousie contre Moïse et Aaron, prétendaient s’attribuer à eux-mêmes le sacerdoce et tentèrent de consommer ce sacrilège malgré les ordres formels du Seigneur ; mais la terre s’entr’ouvrit sous leurs pas, ils se virent eux-mêmes descendre dans l’abîme, et contre l’ordre ordinaire ils furent ensevelis avant leur mort. La terre engloutit ces sacrilèges et les enveloppa dans ses entrailles, non point pour les conserver, mais pour les punir. Leurs corps furent enterrés tout vivants, et tandis que l’espoir de la sépulture est d’ordinaire une consolation pourles mourants, cette même sépulture fut pour ces malheureux une aggravation de peine ; car ils furent ensevelis dans leur propre châtiment. Non-seulement ces

  1. Ex. 3, 5
  2. Lc. 1, 35
  3. Dan. 3, 91,92
  4. 3 Esd. 4, 38