Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ôtera, car je l’abandonne librement. J’ai le pouvoir de me dépouiller de la vie, et j’ai aussi celui de la reprendre[1] ». Sa mort nous eût été inutile, si elle n’avait pas été volontaire de sa part ; car s’il n’eût voulu mourir, l’homme n’agirait pas recouvré ses droits à l’éternité bienheureuse. Il est donc mort parce qu’il l’a voulu, et par sa mort il a rendu à l’immortalité l’homme qui était mort. « Il a incliné les cieux et il est descendu ». Il a brisé la captivité des limbes, et il est monté, selon cette parole de l’Apôtre : « Il a conduit la captivité captive[2] ». L’Apôtre ne parle pas de l’auteur de la captivité, mais de la captivité elle-même, quoique, en détruisant l’empire de la captivité, il ait par cela même détruit l’auteur de cet empire. Et quelle captivité ? La mort. Il a tué la lettre, et le maître du mal a perdu son pouvoir. Il a désarmé le fort armé, il lui a arraché son glaive et l’a conduit captif de cette même captivité. C’est là ce que nous atteste l’Écriture : « La mort ira et sortira, et le démon se tint debout à ses pieds[3] ». Or, celui qui s’est tenu vaincu devant les pieds du vainqueur, quelle peut être sa contenance, si ce n’est celle d’un captif ? « Il a incliné les cieux, et il est descendu » vers le monde. Il a fait captif le démon et il est monté au ciel, afin que celui qui par nature est le Roi suprême du ciel, fût établi par son corps le roi de la terre, et par sa mort le triomphateur des enfers, selon cette parole de l’Apôtre : « Afin que tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers[4] ». Et « Jésus-Christ est mort et ressuscité, afin qu’il devînt le roi des morts et des vivants[5] ».
10. Dieu est né du sein d’une vierge, d’une chaste union et du mariage le plus pur ; sans le concours de l’homme et par l’action du Verbe ; et celui qui est né de Dieu avant tous les siècles, et qui était Dieu lui-même, a pris la forme d’esclave. Afin que l’esclave devint maître, le Seigneur est devenu esclave. Tout cela s’est accompli dans le sein d’une vierge, par l’opération du Saint-Esprit. Il en est sorti un homme plein de Dieu, qui était en même temps Dieu et homme, comme le dit l’Apôtre : « L’un et l’autre ne faisaient qu’un[6] » ; il parlait de la chair et du Verbe ; natures infiniment séparées, mais réunies en une seule personne par la volonté de Dieu, de telle sorte que, après avoir été essentiellement éloignées l’une de l’autre, elles se trouvèrent indivisiblement unies. Or, c’est dans le sein de Marie que s’accomplit ce prodige : Comme elle avait conçu, elle enfanta ; son enfantement fut aussi miraculeux que la conception, la pudeur n’y reçut aucune atteinte. Elle ne dut rien à l’homme ; aussi, le fruit de ses entrailles, loin d’être un mélange quelconque de force divine et d’humaine faiblesse, est un Dieu parfait dans ses vertus et ses opérations, selon cette parole de saint Pierre : « Jésus de Nazareth, cet homme dont Dieu a fait éclater les œuvres parmi vous[7] ». Isaïe avait dit : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils. ». C’est donc une Vierge qui a conçu, c’est une Vierge qui a enfanté. A une conception sans tache a succédé un enfantement incorruptible, comme l’effet participe naturellement à la cause. Le Fils de Dieu, sans doute, nous a été semblable dans son enfantement, mais sa conception a dû être toute différente. Nous sommes conçus dans l’iniquité, tandis que la Mère de Dieu est toujours restée vierge. Elle est devenue mère par son enfantement, et elle a conçu dans une virginité parfaite. La conception de son Fils a été exclusivement l’œuvre du Verbe, et son enfantement n’a porté aucune atteinte à sa pudeur, parce qu’elle est demeurée vierge dans sa conception et dans son enfantement. Marie a subi la loi de l’enfantement, tandis qu’elle est restée complètement étrangère à la conception ; ce qui pour elle avait été d’abord insensible, le devint dans l’enfantement ; toutefois, son intégrité et sa pureté ne reçurent aucune atteinte : Dans cette alliance céleste s’unirent la virginité et la divinité. La Vierge offrit son esprit, le Verbe lui présenta l’incorruption ; elle offrit la sainteté de son âme et de son corps, le Verbe lui présenta l’intégrité de la pudeur et la virginité perpétuelle. De là cette parole de l’ange : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes », parce qu’elle avait été bénie entre toutes les vierges. C’est là ce qui la distingue de toutes les mères et de toutes les vierges. Parmi les mères, elle est vierge ; parmi les vierges, elle est mère ; car elle a conçu et enfanté, et dans sa conception et son enfantement elle est restée vierge. « Vous êtes bénie entre toutes les

  1. Jn. 10, 17,18
  2. Eph. 4, 8
  3. Hab. 3, 5
  4. Phil. 2, 10
  5. Rom. 4, 9
  6. Éphés. 2, 14
  7. Act. 2, 22