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dites-moi, mon frère, savez-vous combien de temps vous vivrez ? où donc avez-vous lu que vous serez pardonné, sans même vous corriger ? Avez-vous lu quelque part qu’une longue vie vous soit promise, ou par hasard auriez-vous fait un pacte avec la mort ? J’espère que vous vivrez cent ans ; ajoutez-y encore dix siècles ; et puis après ? Supposé qu’Adam ait vécu jusqu’aujourd’hui, sa vie même aurait été courte, puisqu’elle serait terminée.
5. Soyez donc toujours sans péché, soyez toujours prêt, et vous n’aurez pas à craindre le grand jour du jugement, « qui viendra comme un voleur assaillir ceux qui seront endormis[1] ». Vous donc qui voulez périr par désespoir, écoutez ce que vous dit l’Écriture : « Je ne veux pas la mort de l’impie, mais son retour et sa vie ». Si vous êtes sorti du désespoir, écoutez encore une autre parole qui vous arrachera à votre perversité et vous établira dans une espérance légitime. Écoutez ce que dit le Seigneur à celui qui vit dans une fausse espérance et diffère de jour en jour sa conversion : « Ne tardez pas à revenir à Dieu, et ne différez pas de jour en jour[2] ». Ce n’est pas moi qui parle ainsi, c’est Dieu lui-même ; c’est lui qui nous dit, à vous et à moi : « Ne tardez pas à revenir à Dieu ». Demain, répondez-vous, (cras !) O véritable cri de corbeau ! Le corbeau sorti de l’arche n’y revint pas, et vieillit en répétant Cras, cras. Cri de corbeau, tête blanche et cœur noir. Le corbeau sorti de l’arche n’y revint pas ; la colombe, au contraire, s’empressa d’y rentrer. Que le cri du corbeau périsse donc, et qu’on n’entende plus que le gémissement de la colombe. Le Seigneur, pour vous consoler, ne cesse de vous dire : « Ne tardez pas à revenir à Dieu, et ne différez pas de jour en jour, car sa colère éclate subitement, et il vous rejettera au temps de sa vengeance ». Frères bien-aimés, méditez ces paroles avec crainte et tremblement, et avec la grâce de Dieu, ramenez vos âmes aux remèdes de la pénitence et de l’aumône, afin que vous puissiez vous présenter au tribunal de Jésus-Christ, non pas pour y être condamnés, mais pour y recevoir la couronne immortelle.

QUATRIÈME SERMON.

LA PORTE ÉTROITE. « ENTREZ PAR LA PORTE ÉTROITE ». (Matth. 7, 13.)

Analyse. —1. Deux voies sont devant nous : celle de la mort et celle de la vie. —2. Quelle est la voie large. —3. Quelle est la voie étroite. —4. Conclusion.
1. C’est le Sauveur qui nous dit dans l’Évangile : « Entrez par la porte étroite, parce que la porte large et la voie spacieuse conduisent à la damnation, et beaucoup suivent cette voie. Qu’elle est étroite, la porte ; qu’elle est resserrée, la voie qui conduit à la vie, et combien ceux qui la trouvent sont peu nombreux ! » Le Seigneur, vous le voyez, nous enseigne qu’il est devant nous deux voies, l’une étroite, l’autre large ; l’une menant à la vie, l’autre à la mort. Mes bien-aimés, fuyez donc la voie de la mort, si vous ne voulez pas périr éternellement, et choisissez la voie de la vie, afin que vous possédiez la vie éternelle. « Car, dit le Sauveur, la voie large et spacieuse conduit à la perdition ».
2. Quelle est cette voie large, la seule que

  1. Mt. 24, 43
  2. Sir. 5, 8.