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le Christ, c’est croire à la manière des disciples du Sauveur, qui sont chrétiens, non-seulement de nom, mais encore par leur conduite et leurs œuvres ; ce n’est pas croire à la manière des démons, car, suivant l’expression de l’Ecriture, « les démons croient et ils tremblent[1] ». Les démons ont-ils pu avoir une foi plus vive que celle qu’ils affichaient dans ces paroles : « Nous savons qui tu es, le Fils de Dieu ? » Ce qu’ont dit les démons, Pierre l’a dit aussi. Lorsque le Sauveur demandait à ses disciples qui il était, et ce que les hommes disaient de lui, ils répondirent : « Les uns disent que vous êtes Jean-Baptiste ; d’autres, Elie ; d’autres, Jérémie ou l’un des Prophètes ». Jésus ajouta : « Et vous, qui dites-vous que je suis? » Pierre répondant, dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Et Jésus lui adressa ces paroles : « Tu es heureux, Simon, fils de Jona, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux ». Voyez quelles choses admirables ont été dites à Pierre en conséquence de sa profession de foi : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église[2] ». Qu’est-ce à dire : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église ? » Sur cette profession de foi, sur ce qui a été dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». « Sur cette pierre je fonderai mon Église ». Magnifique louange ! Pierre dit donc : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Les démons disent à leur tour : « : Vous savons qui tu es, le Fils de Dieu, le Saint de Dieu ». Voilà ce que dit Pierre, voilà ce que disent les démons : mêmes paroles, mais sentiments bien différents ! Où trouvons-nous la preuve que Pierre parlait sous l’inspiration de l’amour ? A la foi du chrétien s’adjoint la charité ; celle des démons en est dépourvue. Comment en est-elle dépourvue ? Pierre déclarait sa foi, pour s’attacher au Christ ; les démons déclaraient la leur, pour porter le Christ à s’éloigner d’eux. Car, avant de s’écrier : « Nous savons qui tu es ; tu es le Fils de Dieu », ils avaient dit : « Qu’y a-t-il de commun entre toi et nous ? Pourquoi es-tu venu avant le temps, pour nous perdre[3] ? » Autre chose est donc de confesser le Christ, pour t’attacher à lui ; autre chose est de le confesser, pour l’éloigner de toi. Vous le voyez, par conséquent ; les mots : « Celui qui croit », ne signifient pas une foi commebeaucoup en ont une, mais une foi toute spéciale. C’est pourquoi, mes frères, qu’aucun hérétique ne vienne vous dire : Nous aussi, nous croyons. J’ai pris exemple des démons pour vous empêcher de vous réjouir des professions de foi de ceux qui vous parlent, avant d’avoir examiné leur manière de vivre.


2. Voyons donc ce que c’est que croire au Christ. Qu’est-ce donc que croire que Jésus est le Christ ? L’Apôtre ajoute : « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu ». Mais qu’est-ce que croire cela ? « Et quiconque aime Celui qui a engendré, aime aussi celui qui est né de lui ». A la foi il joint aussitôt la charité, parce que, sans la charité, la foi est inutile. Avec la charité, c’est la foi du chrétien ; sans la charité, c’est la foi du démon ; ceux qui ne croient pas sont pires que les démons, car ils sont devancés par eux. L’homme, n’importe lequel, qui refuse de croire, est encore loin d’imiter même les démons. Il croit au Christ, mais il le déteste ; il fait profession de foi parce qu’il redoute le châtiment, et non parce qu’il désire être récompensé ; les démons aussi craignent d’être punis. A cette sorte de crainte, adjoins la charité, et elle deviendra telle que la dépeignait l’apôtre Paul : « La foi qui opère par la charité[4] » ; et alors tu trouveras un chrétien, un citoyen de Jérusalem, un concitoyen des anges, un pèlerin qui, pendant la route, soupire après la patrie. Joins-toi à lui ; qu’il devienne ton compagnon de voyage, marche avec lui, si toutefois tu lui ressembles : « Quiconque aime Celui qui a engendré, aime aussi Celui qui est né de lui ». Qui est-ce qui a engendré ? Le Père. Qui est-ce qui a été engendré ? Le Fils. Que dit donc l’Apôtre ? Quiconque aime le Père, aime aussi le Fils.


3. « Nous connaissons que nous aimons les enfants de Dieu ». Qu’est-ce que ceci, mes frères ? Tout à l’heure, Jean parlait du Fils de Dieu, et non des enfants de Dieu. Il avait attiré nos regards sur le Christ et nous avait dit : « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu ; et quiconque aime Celui qui a engendré », c’est-à-dire le Père, « aime aussi Celui qui est né de lui », c’est-à-dire le Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Jean continue : « Nous connaissons que nous aimons les enfants de Dieu » ; comme s’ilallait

  1. Jac. 2, 19
  2. Mt. 16, 13-18
  3. Id. 8, 29 ; Marc, 1, 24
  4. Gal. 5, 6