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méprises son précepte ? Mes frères, je ne me lasse point de vous parler de la charité au nom du Sauveur. Autant vous éprouvez le désir de la posséder, autant j’ai lieu de penser qu’elle grandit en vous et qu’elle en fait sortir la crainte, afin de n’y laisser qu’une crainte pure qui demeure éternellement. Supportons le monde, les tribulations, le scandale des tentations ; ne nous éloignons pas du chemin droit, attachons-nous à l’unité de l’Eglise, au Christ, à la charité ; ne nous séparons, ni des membres de son épouse, ni de la foi, afin que nous puissions nous glorifier en sa présence ; ainsi resterons-nous en lui pleins de tranquillité, maintenant par la foi, plus tard en le voyant tel qu’il est, comme nous en avons reçu la précieuse promesse dans le don de l’Esprit-Saint.

DIXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE JEAN : « QUICONQUE CROIT QUE JÉSUS EST LE CHRIST, EST NÉ DE DIEU », JUSQU’A CES AUTRES : « L’AMOUR DE DIEU CONSISTE A OBSERVER SES COMMANDEMENTS ». (Chap. 5, 1-13.)

LA CHARITÉ, CONSOMMATION DE LA LOI.

Pour être enfant de Dieu il faut croire en son Fils Jésus-Christ d’une foi qui opère par la charité, qui se traduise en bonnes œuvres. Cette charité doit s’étendre à tous nos frères, car ils sont les membres de Jésus-Christ ; et aussi à Dieu, car elle est indivisible : c’est la consommation, c’est-à-dire la fin de la loi et la perfection de la justice ; car elle consiste à garder les commandements. Il faut donc aimer et le Christ et ses membres quels qu’ils soient et n’importe où ils se trouvent ; mais pour les aimer, il ne faut pas les diviser, et par là déchirer l’Eglise comme font les Donatistes.


1. Je le suppose : ceux d’entre vous qui ont assisté à notre instruction d’hier se souviennent de l’endroit où nous nous sommes arrêté dans l’explication suivie que nous avons donnée des différents passages de cette Epître ; nous en étions à celui-ci : « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? Et nous avons reçu de lui ce commandement : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère ». La discussion en était arrivée là. Voyons successivement les versets qui suivent. « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu ». Quel est celui qui ne croit pas que Jésus est le Christ ? C’est celui qui ne vit point d’une manière conforme à ses préceptes. Beaucoup disent : Je crois ; mais la foi sans les œuvres ne sauve pas. A la foi doit nécessairement s’adjoindre la charité, car l’apôtre Paul a dit : « Et la foi qui opère par la charité[1] ». Avant de croire, ou bien tu n’as fait aucune bonne œuvre, ou si tes œuvres semblaient bonnes, elles étaient inutiles. Ou bien tu n’en as fait aucune, et en cela tu ressemblais à un homme sans pieds, ou incapable de marcher, parceque ses pieds sont retenus par des entraves ; ou bien tes œuvres semblaient bonnes ; tu courais avant de croire, mais c’était hors du chemin, et au lieu d’arriver au but, tu divaguais. Il nous faut donc courir, mais courir dans le périmètre du chemin. Quiconque marche en dehors de son tracé, marche inutilement ; je dis plus, il court au-devant de la fatigue, et plus il s’éloigne de la voie, plus il fait fausse route. Quelle voie devons-nous suivre ? Le Christ a dit : « Je suis la voie ». Vers quelle patrie dirigeons-nous nos pas ? Il a dit encore : « Je suis la vérité[2] ». Tu marches par lui, tu marches vers lui pour te reposer en lui. Mais afin que nous fussions à même de marcher par lui, il s’est étendu jusqu’à nous ; car nous étions bien loin : nous marchions en un pays bien éloigné de lui. C’était peu pour nous de marcher loin de lui ; nous étions encore malades et nous ne pouvions nous mouvoir. Il est venu, comme médecin, nous visiter dans notre maladie, et comme nous étions égarés, il nous a tracé la route à suivre. Puisse-t-il nous sauver ! Puissions-nous marcher par lui ! Croire que Jésusest

  1. Gal. 5, 6
  2. Jn. 14, 6