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agi à ton égard ? Ah, que plutôt il sente qu’il a affaire à un homme ! Tous les jours, on entend parler de la sorte ; ils parlent le langage du monde ceux qui tiennent de pareils discours ; et le monde les écoute. Il n’y a pour s’exprimer ainsi que ceux qui aiment le monde, et de tous ceux qui les écoutent aucun ne déteste le monde ; et celui qui aime le monde, qui néglige l’exercice de la charité, celui-là, vous le savez pour l’avoir entendu dire, nie que Jésus-Christ soit venu dans la chair. Pendant sa vie mortelle, le Sauveur a-t-il agi à la manière du monde ? A-t-il cherché à se venger de ceux qui le souffletaient ? Pendant qu’il était attaché à la croix, n’a-t-il pas dit au contraire : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[1] ? » Puisque, ayant le pouvoir de se venger, il ne s’est pas même laissé aller à des menaces, pourquoi en faire toi-même ? Pourquoi te mettre hors d’haleine ? N’es-tu pas sous la dépendance d’autrui ? Le Christ est mort quand il l’a voulu, et sans proférer une seule menace ; pour toi, tu ne sais quand tu mourras, et tu en profères ?

4. « Mais nous, nous sommes de Dieu ». Voyons pourquoi ; voyez si c’est pour un autre motif que celui de la charité ? « Mais nous, nous sommes de Dieu. Celui qui connaît Dieu, nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu, ne nous écoute point. C’est à cela que nous reconnaissons l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur ». Car celui qui nous écoute, a l’esprit de vérité ; et celui qui ne nous écoute pas, a l’esprit d’erreur. Voyez ce que l’Apôtre nous recommande ; écoutons-le de préférence, puisqu’il nous parle en esprit de vérité, comme à des hommes qui ne sont ni des antéchrists, ni des amateurs du monde, ni le monde lui-même, si nous sommes nés de Dieu. « Mes bien-aimés », ajoute-t-il. Voyez ce qui précède : « Mais nous, nous sommes de Dieu. Celui qui connaît Dieu, nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu, ne nous écoute point ». Par là il nous rend attentifs ; puisque celui qui est de Dieu, écoute, tandis que celui qui n’en est pas, n’écoute point ; et voilà le moyen de distinguer l’esprit de vérité de l’esprit d’erreur. Voyons quel avis il va nous donner ; voyons en quoi nous devons l’écouter. « Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ». Pourquoi ? Parce que c’est un homme qui nous le recommande ? « Car l’amour vient de Dieu ». Beau titre de recommandation en faveur de l’amour ! « Il vient de Dieu ». Jean va aller plus loin ; écoutons-le attentivement. Tout à l’heure il a dit : « L’amour vient de Dieu » ; il ajoute : « Tout homme qui aime est de Dieu, et il connaît Dieu. Celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu ». Pourquoi ? « Parce que Dieu est amour ». Que pouvait-il dire de plus, mes frères ? Quand même nous ne trouverions aucun mot d’éloge à l’endroit de la charité, dans aucune des pages de cette Épître, quand même les autres Écritures resteraient complètement muettes à cet égard, quand même ce passage serait unique en ce sens, nous devrions l’écouter comme venant de l’Esprit de Dieu : « Parce que Dieu est amour ». Nous ne devrions rien chercher de plus.

5. Remarquez maintenant qu’agir contre la charité, c’est agir contre Dieu. Que personne ne dise : C’est un homme que j’offense, lorsque je n’aime pas mon frère : (attention !) il est facile de pécher contre un homme, sans pécher contre Dieu. — Comment, tu ne pèches pas contre Dieu, quand tu pèches contre la charité ? « Dieu est amour ». Est-ce nous qui le disons ? Ah ! si nous tenions nous-mêmes ce langage, quelqu’un d’entre vous pourrait se scandaliser et dire : Qu’a-t-il dit ? Qu’a-t-il voulu dire par ces mots : « Dieu est amour ? » Dieu nous a communiqué l’amour, Dieu nous a fait don de l’amour. « L’amour vient de Dieu : Dieu est amour ». Mes frères, vous avez entre les mains des Écritures divines ; cette épître est canonique ; on la lit chez tous les peuples ; on la conserve, parce qu’elle s’appuie sur l’autorité de l’univers ; elle a fondé le monde chrétien, l’Esprit-Saint vous y parle et vous dit : « Dieu est amour ». Si tu l’oses, déclare-toi contre Dieu, et n’aime pas ton frère.

6. Mais pourquoi l’Apôtre disait-il tout à l’heure : « L’amour vient de Dieu », et dit-il maintenant : « Dieu est amour? » Le voici. Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit : le Fils est Dieu de Dieu ; le Saint-Esprit est Dieu de Dieu, et ces trois sont un seul Dieu, et non trois dieux. Si le Fils est Dieu, si le Saint-Esprit est Dieu, si, enfin, celui-là aime en qui demeure le Saint-Esprit, l’amour est donc Dieu, mais Dieu parce qu’il est de Dieu. Tu lis, dans l’Épître

  1. Luc. 23, 34