Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

langage qu’ils n’avaient jamais appris à parler. C’était un signe approprié au temps ; il était, en effet, nécessaire que le Saint-Esprit se manifestât dans toutes les langues, puisque l’Evangile de Dieu devait être annoncé dans toutes les langues et dans toutes les contrées de l’univers. Ce signe a eu lieu, puis il a cessé d’être. Maintenant, quand on impose les mains à des hommes pour leur communiquer le Saint-Esprit, est-ce qu’on attend d’eux qu’ils parlent toutes les langues ? Ou bien encore, lorsque nous avons imposé les mains à ces petits enfants, chacun de vous a-t-il attendu pour voir s’ils parleraient toutes les langues, et, voyant qu’ils ne les parlaient pas, s’est-il trouvé assez mal disposé pour dire : Ces enfants n’ont pas reçu l’Esprit-Saint ; car, s’ils l’avaient reçu, ils parleraient toutes les langues, comme cela se faisait autrefois ? Si donc le miracle des langues n’atteste plus aujourd’hui la présence du Saint-Esprit, comment et à quel signe peut-on reconnaître qu’on l’a reçue ? Il faut interroger son cœur ; si l’on aime le prochain, c’est la preuve qu’on a en soi l’Esprit de Dieu. Qu’on s’examine, qu’on s’éprouve en présence du Seigneur ; que l’on voie si l’on a en soi l’amour de la paix et de l’union, l’amour de l’Eglise répandue par toute la terre. On doit être attentif à ne pas aimer seulement le frère que l’on a devant soi, car il en est beaucoup d’autres que nous ne voyons pas, et avec lesquels nous sommes liés dans l’unité de l’Esprit. Est-ce chose étonnante s’ils ne sont pas avec nous ? Nous formons tous un seul corps, qui a son unique tête dans le ciel. Mes frères, nos yeux ne se voient pas, ils semblent ne pas se connaître, mais sont-ils étrangers l’un à l’autre ? Non, car faisant partie du même corps, ils sont unis ensemble. Remarquez bien, en effet, comme l’union, qui existe entre eux, les familiarise l’un avec l’autre. Quand tous les deux sont ouverts, il est impossible à l’œil droit de se porter sur un objet, sans que l’œil gauche s’y porte en même temps. Dirige, si tu le peux, la vue de l’un d’un côté quelconque, sans y diriger aussi la vue de l’autre. Ils remuent ensemble ; ensemble ils se fixent dans la même direction ; l’endroit qu’ils occupent n’est pas le même ; leur action est une. Dès lors que tous ceux qui aiment Dieu avec toi, ont la même volonté que toi, tu n’as pas à t’inquiéter de ce que, corporellement, ils ne se trouvent pas dans le même endroit ; car vous avez, les uns et les autres, fixé les regards de votre 'cœur sur la lumière de la vérité. Si donc tu veux savoir si tu as reçu l’Esprit, interroge ton cœur, de peur qu’ayant reçu le sacrement, tu n’en aies pas intérieurement la grâce. Interroge ton cœur, et si la charité fraternelle y est, sois tranquille. La charité ne peut s’y trouver sans l’Esprit-Saint ; car Paul dit hautement. « La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné ».


11. « Mes bien-aimés, ne croyez pas à tout esprit ». Car Jean avait déjà dit : « C’est par l’Esprit qu’il nous a donné que nous connaissons qu’il demeure en nous ». Faites bien attention à ce qui nous fait reconnaître cet Esprit : « Mes bien-aimés, ne croyez pas à tout Esprit, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu ». Quel est celui qui éprouve les esprits ? Difficile question à résoudre, mes frères. Il est bon que Jean lui-même nous le dise, afin que nous le sachions. Il nous le dira, ne vous épouvantez pas ; mais, avant tout, voyez, faites attention. Le texte lui-même nous explique ce qui donne à d’orgueilleux hérétiques le prétexte de nous calomnier. Remarquez, voyez ce que dit l’Apôtre : « Mes bien-aimés, ne croyez pas à tout esprit, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu ». Dans l’Evangile, l’Esprit-Saint est désigné sous l’emblème de l’eau ; car le Sauveur a crié et dit : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». L’Evangéliste a fait connaître pourquoi Jésus parlait ainsi, car il a ajouté : « Il disait cela, à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». Pour quel motif le Sauveur n’a-t-il point baptisé un grand nombre de personnes ? Mais que dit Jean ? « Mais le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié[1] ». Ils avaient donc reçu le baptême, mais non encore le Saint-Esprit, que le Sauveur envoya du haut du ciel, le jour de la Pentecôte ; pour le recevoir, il fallait préalablement que Jésus fût glorifié. Néanmoins, avant d’être glorifié, avant d’envoyer son Esprit, il engageait les hommes à se montrer dignes de recevoirl'

  1. Jn. 7, 37-39