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TROISIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « MES PETITS ENFANTS, VOICI LA DERNIÈRE HEURE », JUSQU’A CES AUTRES : « SON ONCTION VOUS ENSEIGNE TOUT ». (Chap. 2, 18-27.)

L’ANTÉCHRIST.

Puisque nous avons trouvé en Jésus-Christ une nouvelle vie, nous devons aussi prendre en lui de l’accroissement, c’est-à-dire, apprendre à le connaître, non seulement comme homme, mais aussi comme Dieu. Efforçons-nous d’acquérir cette science, car il y a au milieu de nous des antéchrists qui pourraient nous séduire par leurs paroles et surtout par leurs exemples, qui nient la divinité du Sauveur soit doctrinalement soit en pratique. Si nous tenons ferme à ce que la foi nous enseigne relativement au Christ, nous aurons à lutter, mais nous recevrons, pour récompense, la vie éternelle.


1. « Mes petits enfants, voici la dernière heure ». Dans cette leçon, l’Apôtre s’adresse à ses disciples, comme à de petits enfants, qu’il exhorte à grandir vite, parce que la dernière heure approche. Le développement du corps est indépendant de la volonté humaine ; aussi ne grandit pas corporellement qui veut, comme on ne vient pas au monde au gré de sa volonté ; mais quand on est libre de naître, on peut aussi librement prendre de l’accroissement. Aucun homme ne puise la vie dans l’eau et l’Esprit-Saint, à moins qu’il n’y consente ; d’où il suit que croître et décroître dépendent de sa volonté. Qu’est-ce que croître ? c’est avancer. Et décroître ? c’est reculer. Quiconque sait qu’il a pris naissance, doit savoir qu’il est un enfant, et même un enfant en bas âge ; qu’il suce évidemment les mamelles de sa mère, et aussitôt il grandira ; sa mère, c’est l’Eglise, et les mamelles de sa mère ne sont autres que les deux Testaments des divines Écritures. Voilà où il nous faut puiser le lait de toutes les merveilles opérées dans le temps pour notre salut, afin que, nourris et fortifiés, nous parvenions à recevoir le nutritif aliment dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[1] ». Le Christ abaissé, voilà notre lait ; le même Christ égal au Père, voilà notre aliment solide. Il te donne d’abord du lait, afin de pouvoir, un jour, te donner du pain ; car toucher par le cœur et spirituellement Jésus, c’est apprendre qu’il est égal au Père.


2. Aussi le Sauveur empêchait-il Marie de le toucher, et lui disait-il : « Ne me touchepoint, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père ». Eh quoi ! il avait permis à ses Apôtres de le toucher, et il empêche Marie d’en faire autant ? N’est-il pas celui-là même qui a dit au disciple incrédule : « Mets tes doigts, et touche mes plaies[2] ? » Alors était-il déjà remonté vers son Père ? Pourquoi donc arrêter Marie et lui dire : « Ne me touche point, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père ? » Dirons-nous qu’il n’a pas craint le contact des hommes, mais qu’il a redouté celui des femmes ? Pour n’importe qui, le toucher, c’est se purifier. A-t-il craint de se laisser toucher par ceux qu’il a voulu rendre les premiers témoins de sa résurrection ? Ne l’a-t-il pas fait connaître aux hommes par l’intermédiaire des femmes, afin de vaincre le serpent par un procédé tout différent du sien ? En effet, comme une femme a donné au premier homme la nouvelle de la mort, ainsi une autre femme a-t-elle donné aux hommes la nouvelle de la vie. Si donc le Christ n’a point permis à Madeleine de le toucher, n’est-ce pas évidemment parce qu’il voulait faire allusion à son contact spirituel ? Un tel contact vient d’un cœur pur, et celui-là touche le Christ, avec un cœur pur, qui le regarde comme égal au Père. Pour l’homme qui n’a pas encore l’idée de la divinité du Christ, il est près de l’humanité du Sauveur, mais il se trouve encore loin de sa divinité. Est-ce chose merveilleuse de parvenir où sont parvenus les bourreaux qui l’ont crucifié ? Voici qui est admirable ; comprendre que le Verbe Dieu était en Dieu au commencement, et qu’il a fait touteschoses ;

  1. Jn. 1, 1
  2. Jn. 20, 17, 27