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autre moyen de pourvoir à sa nourriture ?
4. Mais, dira quelqu’un, comment ce moyen lui a-t-il manqué ? Le Seigneur n’a-t-il pas fait cette promesse : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît [1] ? » Il est sûr que Pierre et ses compagnons ont trouvé l’accomplissement de la promesse divine dans leur métier de pêcheurs. N’est-ce pas Dieu seul ; en effet, qui a conduit les poissons sous le filet de ses disciples ? N’est-ce point pour nous une obligation de croire que le Sauveur les a mis dans une si grande pénurie de toutes choses, uniquement pour les forcer à aller à la pêche et pour avoir lui-même l’occasion d’opérer un miracle ? Dans ses desseins, ce prodige devait pourvoir à la nourriture des prédicateurs de l’Évangile, et l’Évangile lui-même devait puiser une autorité nouvelle dans le sens vraiment mystérieux du nombre des poissons recueillis. C’est maintenant pour nous un devoir de dire, au sujet de ce miracle, ce que nous suggérera la grâce.
5. Simon Pierre dit donc : « Je vais pêcher ». Ceux qui étaient avec lui « répondirent : Nous allons aussi avec toi, et ils sortirent, et ils montèrent dans une barque, et ils ne prirent rien de cette nuit-là. Le matin venu, Jésus parut sur le rivage, les disciples, néanmoins, ne s’aperçurent point que c’était lui. Jésus donc leur dit : « Enfants, n’avez-vous rien à manger ? Ils lui répondirent : Non. Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc, et ils ne pouvaient le tirer, tant il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait, dit à Pierre : C’est le Seigneur. Pierre, entendant que c’était le Seigneur, prit sa tunique, car il était nu, et il se jeta dans la mer. Les autres disciples vinrent avec la barque, traînant le filet plein de poissons, car ils n’étaient éloignés que de deux cents coudées environ. Quand ils furent descendus à terre, ils virent des charbons allumés et du poisson dessus, et du pain. Jésus leur dit : Apportez quelques poissons de ceux que vous avez pris à l’instant. Simon Pierre monta dans la barque et tira à terre le filet plein de cent cinquante-trois gros poissons, et, quoiqu’ils fussent si considérables, le filet ne se rompit point »
6. Voilà un admirable mystère dans l’admirable Évangile de Jean : pour lui concilier toute notre attention, l’écrivain sacré en a fait mention à la fin de son livre. Au moment de cette pêche, les disciples étaient au nombre de sept, savoir : Pierre, Thomas, Nathanaël, les deux fils de Zébédée, et deux autres dont l’Évangile ne cite pas les noms. Ce nombre sept signifie la consommation du temps, car le temps, pour toute son étendue, est circonscrit dans l’espace de sept jours. à cela se rapporte ce fait que, le matin venu, Jésus parut sur le rivage, puisque le rivage est ainsi le terme de la mer, et que, par conséquent, il est l’emblème de la consommation des temps : Pierre a aussi tiré le filet sur la terre, c’est-à-dire sur le rivage : autre circonstance qui signifie encore la même chose. Le Sauveur nous l’apprend lui-même en un autre endroit, lorsque, tirant une comparaison du filet jeté à la mer, il dit : « Et ils l’amenèrent sur le rivage ». Qu’était-ce que ce rivage ? il nous l’explique en ces termes : « Il en sera ainsi à la fin des siècles [2] ».
7. Dans ce passage nous trouvons une parabole en paroles, et non en fait ; mais si nous en venons au fait même de la pêche, en cette dernière circonstance le Sauveur annonce ce que sera plus tard l’Église, comme dans la circonstance analogue précédente il nous a instruits de çe qu’elle est maintenant. Ce qu’il a fait au commencement de sa prédication, il l’a fait encore après sa résurrection ; par les poissons pris à la première pêche, il a voulu nous indiquer les bons et les méchants dont se compose aujourd’hui l’Église : par ceux qui ont été pris en second lieu, il ne nous représente que les bons, dont elle se composera pendant l’éternité, lorsqu’à la fin des siècles la résurrection des morts aura parfait le nombre de ses membres. Autrefois, enfin, Jésus ne s’était pas, comme aujourd’hui, arrêté sur le rivage pour commander aux Apôtres de prendre des poissons ; mais « il entra dans une des barques, qui était à Simon, et le pria de le conduire à quelque distance de la terre, et s’asseyant, il instruisait de là le peuple. Et quand il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en pleine mer et jette les filets pour pêcher ». Alors, ce que les Apôtres prirent de poissons fut mis dans les barques, tandis que dans l’occasion présente ils conduisirent leurs

  1. Mt. 6, 33
  2. Mt. 13, 48, 49