Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jésus avait conservé la marque de ses plaies. Les portes étaient fermées ; ce ne fut pas néanmoins un obstacle au passage d’un corps où la divinité résidait, car celui qui était venu au monde sans porter la moindre atteinte à la virginité de sa mère, pouvait très bien entrer en un lieu dont les portes n’étaient pas ouvertes. « Les disciples donc se réjouirent à la vue du Seigneur. Il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ». Répéter une chose, c’est lui donner un nouveau degré d’assurance, et le Seigneur, par la bouche du Prophète, ajoute la paix à la paix qu’il accorde[1]. « Comme mon Père m’a envoyé », dit Jésus, « je vous envoie moi-même ». Nous savons que le Fils est égal au Père, mais, ici, nous le reconnaissons à son langage comme notre médiateur. Le Père m’a envoyé, et moi je vous envoie. « Après qu’il eut dit ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le Saint-Esprit ». En soufflant sur eux, il montra que le Saint-Esprit n’est pas seulement l’Esprit du Père, mais qu’il est aussi le sien. « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». La charité de l’Église, que l’Esprit-Saint répand en nos cœurs, remet les péchés de ses membres, mais elle retient les péchés de ceux qui ne lui appartiennent pas. Aussi, après avoir dit : « Recevez l’Esprit-Saint », le Sauveur a-t-il immédiatement parlé de la remise et de la retenue des péchés.

5. « Thomas, l’un des douze, appelé Dydime, n’était pas avec eux quand Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur répondit : Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la plaie des clous, et ma main dans son côté, je ne croirai point. Et huit jours après, comme ses disciples étaient encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint debout au milieu d’eux et dit : La paix soit avec vous ! Il dit ensuite à Thomas : Porte ici ton doigt, et regarde mes mains; approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais fidèle. Thomas répondit et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu! » Il voyait et touchait l’homme; il confessait le Dieu qu’il ne voyait ni ne touchait; mais parce qu’il voyait et touchait, il se débarrassait de ses doutes et croyait à ce qu’il ne pouvait ni voir ni toucher. « Jésus lui dit : Parce que tu m’as vu, tu as cru ». Il ne dit point : Tu m’as touché; mais : « tu m’as vu », parce que le sens de la vue appartient en quelque sorte à toutes les parties du corps ; il se dit, en effet, des quatre autres sens ; car ne s’exprime-t-on pas ainsi : Écoute et vois que cette musique est harmonieuse ! sens et vois combien ce parfum est délicieux; goûte et vois comme cette saveur est agréable ; touche et vois comme cet objet est chaud. En ces différents cas, tu as dit : vois ; mais, par là, tu n’as point prétendu soutenir que les yeux ne sont point l’organe propre de la vue. Voilà pourquoi le Sauveur s’exprime lui-même ainsi : « Porte ici ton doigt, et vois mes mains ». Était-ce dire autre chose que ceci : Touche et vois ? Cependant, Thomas n’avait pas d’yeux au doigt. « Parce que », soit en me regardant, soit en me touchant, « tu m’as vu, tu as cru ». Quoique le Sauveur offrit à son disciple de le toucher, on ne peut néanmoins dire que celui-ci n’osa pas le faire; car il n’est pas écrit que Thomas le toucha. Mais qu’en le regardant ou en le touchant, Thomas ait vu son Maître et ait cru, peu importe ; ce qui suit a particulièrement trait à la foi des Gentils, et lui donne du prix : « Bienheureux ceux qui n’ont pas a vu et qui ont cru ». L’Évangéliste s’est, en ces paroles, servi du prétérit, parce que, d’après les desseins de sa providence, le Seigneur regardait déjà comme fait ce qui devait avoir lieu plus tard. Mais nous ne devons point donner à ce discours une plus grande étendue; un autre jour, Dieu nous fera la grâce d’expliquer ce qui reste.

  1. Isa. 26, 5