mais va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Nous trouvons, dans ces paroles, matière à une explication courte, mais toute spéciale. En lui répondant ainsi, Jésus enseignait la foi à cette femme qui le reconnaissait et lui donnait le nom de maître : comme un jardinier ferait dans son jardin, il semait dans le cœur de Marie-Madeleine le grain de sénevé. Quel est donc le sens de ces paroles : « Ne me touche pas ? » Et comme si on cherchait la cause de cette défense, il ajouta : « Car je ne suis pas encore monté vers mon Père ». Qu’est-ce que cela ? Si on ne peut le toucher pendant qu’il est sur la terre, quand il sera assis sur son trône dans le ciel, comment les hommes le toucheront-ils ? Il est sûr, pourtant, qu’avant de remonter au ciel, il s’est présenté à ses disciples et leur a offert de le toucher ; car, l’Évangéliste Luc en est témoin, il leur a dit : « Touchez et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai [1] ». N’a-t-il pas dit encore au disciple Thomas : « Porte ici ton doigt et regarde mes mains ; approche ta main et mets-la dans mon côté ? » Qui serait assez dépourvu de sens pour prétendre que Jésus a permis à ses disciples de le toucher avant qu’il remontât vers son Père, et qu’il n’a accordé cette faveur à des femmes qu’après son ascension vers son Père ? Mais quand un homme voudrait ainsi délirer, on ne lui en laisserait pas le loisir. En effet, nous lisons que des femmes mêmes ont touché Jésus ressuscité, même avant qu’il fût monté vers son Père ; de ce nombre était Marie-Madeleine elle-même ; car Matthieu nous dit que « Jésus se présenta devant elles, et leur dit : « Je vous salue. Alors, elles s’approchèrent et embrassèrent ses pieds, et l’adorèrent [2] ». Jean a omis cette circonstance, mais Matthieu a dit la vérité. Il y a donc évidemment, dans ces paroles, un sens caché : que nous le découvrions, que nous ne puissions pas le découvrir, il nous est impossible d’en douter. Ces paroles : « Ne me touche pas, car je ne suis point encore monté vers mon Père », doivent être entendues en ce sens que cette femme était la figure de l’Église, formée par les Gentils, et qui a cru en Jésus-Christ seulement après son ascension ; ou bien, le Sauveur a voulu, par elles, faire entendre qu’il faut croire en lui comme faisant une seule et même chose avec le Père, c’est-à-dire qu’il faut le toucher spirituellement. Le Christ ne monte-t-il pas d’une certaine manière au ciel, pour celui qui profite en lui au point de le reconnaître égal au Père ? Cette sorte d’ascension n’est aperçue que par le sens intime d’un tel homme. On n’a que ce moyen de le toucher véritablement, ou, en d’autres termes, on ne peut vraiment croire en lui, si l’on ne croit pas ainsi. La foi de Marie-Madeleine pouvait se borner à croire en lui, tout en le reconnaissant comme inférieur au Père ; cependant, elle en avait reçu la défense par ces paroles : « Ne me touche pas » : Car c’était lui dire : Ne crois pas en moi, d’après les idées que tu nourris encore en toi ; ne te borne pas à voir en moi ce que je suis devenu à cause de toi, sans élever tes pensées jusqu’à cette nature supérieure qui, en moi, t’a fait sortir du néant. Pouvait-il, en effet, se faire qu’elle ne crût pas encore d’une manière charnelle en Jésus, puisqu’elle le pleurait comme homme ? « Car », dit-il, « je ne suis pas encore monté vers mon Père ». Tu me toucheras dès lors que tu reconnaîtras en moi un Dieu parfaitement égal au Père. « Mais va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père ». Le Sauveur ne dit pas : notre Père. Il est le mien d’une manière, il est le vôtre d’une autre ; il est le mien par nature, il est le vôtre par sa grâce. « Et vers mon Dieu et votre Dieu ». Ici encore, il ne dit pas : Et notre Dieu. Si donc il est mon Dieu, il l’est aussi sous un certain rapport, et s’il est le vôtre, il l’est sous un autre. Il est mon Dieu, car, en qualité d’homme, je lui suis moi-même inférieur ; il est le vôtre, et je suis immédiatement entre vous et lui.
4. « Marie-Madeleine vint, annonçant aux disciples : J’ai vu le Seigneur, et il m’a dit ces choses. Quand le soir du même jour fut venu, et c’était le premier jour de la semaine, et les portes du lieu, où les disciples étaient assemblés à cause de la crainte des Juifs, étant fermées, Jésus vint et se tint debout au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ; et lorsqu’il eut ainsi parlé, il leur montra ses mains et a son côté ». Car les clous avaient percé ses mains, et la lance avait ouvert son côté. Pour guérir des cœurs rongés par le doute,