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quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur[1] ». Sa largeur se trouve dans le bois transversal destiné à tenir étendus les bras du crucifié : elle représente l’étendue de la charité qui opère les bonnes œuvres. Sa longueur va depuis le bois transversal jusqu’à terre : le dos et les pieds du Sauveur y sont attachés ; elle est l’emblème de la persévérance pendant le temps, jusqu’à l’éternité. Sa hauteur consiste dans le sommet qui dépasse le bois transversal ; elle signifie le but céleste auquel se rapportent toutes nos actions ; car tout ce qui se fait en longueur et en largeur, selon la règle du bien et avec persévérance, doit se faire en vue de la hauteur des récompenses divines. Sa profondeur se rencontre dans cette partie qui s’enfonce en terre ; elle est cachée, on ne la voit pas en cet endroit : c’est de là qu’elle sort néanmoins pour s’élever et apparaître aux regards ; ainsi, toutes nos bonnes œuvres sortent des profondeurs de la grâce divine, qu’on ne peut ni comprendre ni juger. Et quand la croix du Christ n’aurait d’autre signification que celle que lui attribue l’Apôtre : « Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses désirs déréglés[2] », de quel bien elle serait encore l’emblème ! Un esprit bon luttant contre la chair est seul capable d’agir de la sorte, bien que ce soit l’ennemi, l’esprit mauvais, qui a préparé cette croix au Sauveur. Enfin, quel est le signe du Christ ? Tous le savent, c’est sa croix. Sans ce signe, il est impossible d’accomplir n’importe quelle cérémonie sacrée ; il faut le faire et sur le front des croyants, et sur l’eau même qui doit servir à les régénérer, et sur l’huile mêlée de baume dont on les oint, et sur le sacrifice qui leur sert de nourriture. Peut-on dire que les actions des méchants ne signifient rien de bon, quand, dans la célébration des sacrements, tout le bien qu’ils nous procurent nous vient par le signe de la croix du Christ, faite de la main même des mécréants ? Mais arrêtons-nous ici ; un autre jour, avec la grâce de Dieu, nous expliquerons ce qui suit.

CENT DIX-NEUVIÈME TRAITÉ.

SUR LES PAROLES SUIVANTES : « ET LES SOLDATS FIRENT AINSI », JUSQU’A CES AUTRES : « ET, AYANT INCLINÉ LA TÊTE, IL RENDIT L’ESPRIT ». (Chap. 19,24-30.)

LES DERNIERS MOMENTS DE JÉSUS.

Après le partage de ses vêtements, Jésus légua sa Mère à l’apôtre Jean, pour donner aux enfants un exemple de piété filiale, et Jean la reçut pour en prendre soin. Puis le Sauveur se plaignit de la soif, et on lui tendit, au bout d’un roseau, une éponge imbibée de fiel, de vinaigre et d’hysope. Le roseau était l’emblème de l’Écriture ; le fiel et le vinaigre, de la méchanceté des Juifs ; l’hysope, de l’humilité du Christ. À peine Jésus en eut-il goûté, qu’il mourut.
1. L’Évangéliste Jean nous raconte ce qui se passa aux pieds de la croix du Sauveur, après que ses vêtements eurent été partagés, même par la voie du sort ; voyons son récit : « Les soldats firent ainsi. Or, la Mère de Jésus et la sœur de sa Mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine, étaient debout près de sa croix. Jésus donc, voyant sa Mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils. Après, il dit au disciple : Fils, voilà ta mère. Et depuis cette heure-là, le disciple la reçut chez lui ». Voilà bien l’heure dont Jésus parlait, quand, au moment de changer l’eau en vin, il disait à sa Mère : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? mon heure n’est point encore venue [3] ». Il prédisait cette heure qui n’était pas encore venue, cette heure où, sur le point de mourir, il devait

  1. Eph. 3, 18
  2. Gal. 5, 21
  3. Jn. 2, 4