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heures de nuit et trois heures de jour ; de là il suit que, depuis le commencement de cette préparation (Parasceve) de la Pâque, c’est-à-dire de l’immolation de Jésus-Christ, qui avait commencé à la neuvième heure de la nuit, il s’était écoulé à peu près six heures, c’est-à-dire la cinquième était écoulée et la sixième se trouvait commencée, quand Pilate monta à son tribunal. Alors durait encore cette préparation qui avait commencé à la neuvième heure de la nuit, et ne devait se terminer qu’au moment où se consommerait l’immolation de Jésus-Christ qui se préparait. D’après Marc, cette immolation s’accomplit à la troisième heure, non pas de sa préparation, mais du jour ; et à la sixième heure, non pas du jour, mais de sa préparation. Il y a, en effet, six heures bien comptées depuis la neuvième heure de la nuit jusqu’à la troisième heure du jour. De ces deux solutions d’une question difficile, que chacun choisisse celle qu’il voudra. Celui qui lira la dissertation que nous avons faite avec le plus grand soin dans le livre De l’accord des Évangélistes, pourra néanmoins juger plus sûrement du sentiment qu’il faut choisir[1]. Si l’on peut découvrir d’autres solutions, elles serviront à défendre de plus en plus la fermeté de la vérité de l’Évangile contre les vaines calomnies des infidèles et des impies. Après avoir traité ce sujet aussi brièvement que possible, revenons maintenant au récit de l’Évangéliste Jean.
3. « Ils prirent donc », dit-il, « Jésus, et l’emmenèrent ; et, portant sa croix, il vint au lieu appelé Calvaire, en hébreu Golgotha, où ils le crucifièrent ». Jésus allait donc, en portant sa croix, au lieu où il devait être crucifié. Grand spectacle ! aux yeux de l’impiété, grande risée ! aux yeux de la piété, grand mystère ! aux yeux de l’impiété, grande preuve d’ignominie ! aux yeux de la piété, grand soutien de la foi ! Si l’impiété regarde, elle rit de voir un roi portant pour sceptre le bois de son supplice ; si la piété considère, elle voit un roi portant une croix à laquelle il doit être placé lui-même, mais qu’il doit aussi placer sur le front des rois ; il était méprisable aux yeux des impies, par cela même qui devait le faire glorifier des saints. En effet, Jésus lui-même, portant sa croix sur ses épaules, la recommandait à Paul et lui faisait dire : « Pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ [2] ». Il plaçait sur le chandelier cette lampe ardente qui ne devait pas être placée sous le boisseau [3]. « Portant donc sa croix, il vint au lieu appelé Calvaire, en hébreu Golgotha, où ils le crucifièrent ; et deux autres avec lui, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, et Jésus au milieu ». Ces deux autres, comme nous l’apprend le récit des autres Évangélistes, étaient des voleurs, avec lesquels Jésus fut crucifié, et au milieu desquels il fut placé[4] ; c’est d’eux que le Prophète avait dit d’avance : « Il a été compté au nombre des scélérats [5] ».
4. « Mais Pilate fit une inscription et la plaça sur la croix ; et il y était écrit : Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». Or, cette inscription, « beaucoup de Juifs la lurent, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était près de la ville ; et il y était écrit en hébreu, en grec et en latin : Roi des Juifs ». Ces trois langues l’emportaient alors sur les autres à Jérusalem. L’hébreu, à cause des Juifs qui se glorifiaient de la loi de Dieu ; le grec, à cause des philosophes, des gentils ; le latin, à cause des Romains, qui commandaient déjà à presque tous les peuples de la terre.
5. « Les Pontifes des Juifs disaient donc à Pilate : N’écris pas : Roi des Juifs ; mais qu’il a dit : Je suis le roi des Juifs. Pilate répondit : Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit ». O ineffable puissance de l’opération divine, même dans le cœur de ceux qui l’ignorent ! N’est-ce pas une voix secrète qui, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, faisait entendre au fond du cœur de Pilate, et par un silence éloquent, ce qui avait été si longtemps à l’avance annoncé dans les inscriptions des Psaumes : « Ne change pas l’inscription du titre[6] » Voilà qu’il ne change pas l’inscription du titre : ce qu’il a écrit, il l’a écrit. Mais les Pontifes eux-mêmes voulaient changer ce titre. Que disaient-ils donc ? « N’écris pas : Roi des Juifs ; mais qu’il a dit lui-même : Je suis le roi des Juifs ». Que dites-vous, hommes insensés ? pourquoi venez-vous contredire ce qu’en aucune façon vous ne pouvez changer ? En sera-t-il moins vrai que Jésus ait dit : « Je suis le roi des Juifs ? » Vous ne pouvez

  1. De l’accord des Évangiles, livre 3, c. 13, n. 40-50,
  2. Gal. 6, 14
  3. Mt. 5, 15
  4. Id. 27, 38 ; Marc, 15, 27 ; Luc, 23, 12, 33
  5. Isa. 53, 12
  6. Tit. des Ps. 56-57