Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée

CENT QUATORZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES MOTS : « ILS CONDUISIRENT DONC JÉSUS À CAÏPHE, DANS LE PRÉTOIRE », JUSQU’À CES AUTRES : « AFIN QUE LA PAROLE DE JÉSUS FUT ACCOMPLIE, PAROLE QU’IL AVAIT DITE, INDIQUANT DE QUELLE MORT IL DEVAIT MOURIR ». (Chap. 18,28-32.)

LE SAUVEUR AU TRIBUNAL DE PILATE.

On amène Jésus à Pilate, mais ses ennemis n’entrent pas dans le prétoire. Les hypocrites ! Ils craignaient de se souiller en pénétrant dans un tribunal étranger, et ils ne craignaient pas de se souiller par un crime.


1. Voyons aujourd’hui, d’après le récit de l’Évangéliste Jean, ce qui fut fait avec Notre-Seigneur ou relativement à Notre-Seigneur Jésus-Christ, chez le président Ponce-Pilate. Jean reprend, en effet, sa narration où il l’avait laissée, pour expliquer le reniement de Pierre. Il avait déjà dit : « Et Anne l’envoya lié à Caïphe, souverain pontife [1] ». Puis, il était revenu à Pierre qu’il avait laissé se chauffant auprès du feu, dans le vestibule ; enfin, après avoir raconté dans tous ses détails son triple reniement, il dit : « Ils conduisent donc Jésus vers Caïphe, dans le prétoire ». Il avait déjà dit qu’il était envoyé à Caïphe par Anne, son collègue et son beau-père. Mais s’il est envoyé à Caïphe, pourquoi dans le prétoire ? Le prétoire ne peut, en effet, signifier autre chose que le lieu où habitait Pilate le président ; ou bien, de la maison d’Anne où ils s’étaient réunis tous les deux pour entendre Jésus, Caïphe s’était rendu, pour une cause urgente, au prétoire du président et avait laissé à son beau-père le soin d’entendre Jésus, ou bien Pilate avait établi son prétoire dans la maison de Caïphe. Cette demeure était si grande que, d’un côté, elle formait l’habitation de son maître, et, de l’autre, le tribunal du juge.
2. « Or, c’était le matin, et ceux-là », c’est-à-dire ceux qui conduisaient Jésus, « n’entrèrent pas dans le prétoire », c’est-à-dire dans cette partie de la maison qu’occupait Pilate, si toutefois c’était là aussi la maison de Caïphe. L’Évangéliste fait connaître la raison pour laquelle ils n’entrèrent pas. « C’était », dit-il, « afin qu’ils ne fussent pas souillés, mais pour qu’ils pussent manger la pâque ». Ils étaient déjà, en effet, entrés dans le jour des azymes ; et, en ces jours, c’était pour eux une souillure de pénétrer dans la demeure d’un étranger. O aveuglement impie ! ils seraient souillés par la demeure d’un étranger, et ils ne le seraient point par leur propre crime ! Ils craignaient d’être souillés par le prétoire d’un juge étranger, et ils ne craignaient pas de l’être par le sang de leur frère innocent ! et je ne dis que cela, pour montrer où en était leur mauvaise conscience. Car si Celui que, dans leur impiété, ils conduisaient à la mort, était leur Seigneur, s’ils faisaient mourir l’auteur de la vie, il faut le reprocher, non à leur conscience, mais à leur ignorance.
3. « Pilate alla donc dehors vers eux et dit : Quelle accusation apportez-vous contre cet homme ? Ils répondirent et lui dirent : « Si cet homme n’était pas un malfaiteur, nous ne vous l’eussions pas livré ». Qu’on interroge ceux qu’il a délivrés des esprits immondes, les malades qu’il a guéris, les lépreux qu’il a purifiés, les sourds qui entendent, les muets qui parlent, les aveugles qui voient, les morts ressuscités et, ce qui surpasse tout le reste, les fous devenus sages, et ils répondront si Jésus est un malfaiteur. Mais ils disaient ce que Notre-Seigneur avait prédit par son Prophète : « Ils me rendaient le mal pour le bien [2] ».
4. « Pilate leur dit donc : Prenez-le, et jugez-le selon votre loi. Mais les Juifs lui dirent : Il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort ». Que veut dire leur

  1. Jn. 18, 24
  2. Ps. 34, 12