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préparez : vous nous préparez pour vous et vous vous préparez pour nous ; vous préparez une demeure pour vous dans nous-mêmes, et pour nous, au dedans de vous. Vous nous avez dit, en effet : « Demeurez en moi, et moi en vous[1] ». Selon que chacun sera entré en participation de vous-même, les uns plus, les autres moins, la diversité des mérites fera la diversité des récompenses : le nombre des demeures se comptera d’après la diversité de ceux qui les habiteront ; mais tous vivront éternellement et tous seront éternellement heureux. Qu’est-ce à dire, que vous vous en allez, et que vous venez ? Si je vous comprends bien, vous ne vous éloignez ni de l’endroit d’où vous partez, ni de celui d’où vous venez ; vous vous en allez quand vous vous cachez ; vous venez quand vous vous montrez. Mais si vous ne restez point pour nous guider afin que nous nous avancions de plus en plus. par une vie sainte, comment se préparera la place où nous pourrons rester toujours et jouir de vous ? En voilà assez sur ce passage de l’Évangile qui nous a été lu et qui va jusqu’à ces paroles de Notre-Seigneur : « Je reviendrai et vous prendrai avec moi » : Pour ce qui suit : « Afin que vous soyez vous-mêmes où je serai, vous savez où je vais et vous en connaissez le chemin », il sera plus opportun de l’expliquer quand nous aurons examiné la question que lui fait immédiatement après un des disciples, et que nous nous serons joints à lui pour interroger le Seigneur.

SOIXANTE-NEUVIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « ET VOUS SAVEZ OU JE VAIS, ET VOUS EN SAVEZ LA VOIE », JUSQU’À CES AUTRES : « PERSONNE NE VIENT AU PÈRE QUE PAR MOI ». (Ch. 14, 4-6.)

LE CHRIST, VOIE, VÉRITÉ ET VIE.

Jésus-Christ la Voie, la Vérité et la Vie ; c’est donc par lui que nous irons occuper la place qu’il nous prépare au ciel, et c’est à lui que nous irons : de même son humanité sainte a été élevée au ciel par là puissance du Verbe, et s’est trouvée unie à lui dans le séjour de la gloire.

1. Maintenant, mes très-chers frères, il faut, autant que possible, arriver à comprendre les premières paroles de Notre-Seigneur au moyen des dernières, et celles qu’il a dites auparavant par celles qu’il a prononcées ensuite ; pour cela, nous nous appuierons sur la réponse qui a été faite à l’apôtre Thomas. Un peu auparavant, en parlant des demeures qu’il disait être dans la maison de son Père, le Christ avait affirmé qu’il allait les préparer ; de là, nous avons conclu et que ces demeures existent déjà par la prédestination, et qu’elles se préparent quand la foi purifie les cœurs de ceux qui doivent y habiter ; la raison en est que ces sortes de personnes sont la maison même de Dieu. Et encore, demeurer dans la maison de Dieu, qu’est-ce autre chose, que faire partie du peuple de Dieu, puisque : ce peuple est en Dieu et que Dieu est en lui ? Pour préparer ces demeures, le Seigneur s’en alla donc, et ainsi, en croyant en lui puisqu’on ne le voyait plus, on pouvait préparer par la foi cette demeure où l’on verra éternellement Dieu face à face. C’est pourquoi il avait dit : « Et quand je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que vous soyez vous-mêmes où je serai. Vous savez où je vais, et vous en connaissez la voie. Sur cela, Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons où vous allez, et comment pouvons-nous en connaître la voie ? » Le Seigneur avait dit qu’ils savaient l’un et l’autre, et Thomas répond qu’ils ignorent, et le lieu où il va, et la voie qui y conduit. Mais le Seigneur ne sait pas mentir : ils savaient donc ces choses ;

  1. Jn. 15, 4