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du Père et la volonté du Fils ; mais ce n’était là qu’un écho, écho fidèle néanmoins, de notre faiblesse, que notre chef transfigura en lui-même, lorsqu’il se chargea de nos péchés. Cependant, une est la volonté du Père et du Fils, et aussi de l’Esprit-Saint, qui par son adjonction forme avec eux la Trinité ; si notre faiblesse ne nous permet pas de le comprendre, notre piété nous fait du moins un devoir de le croire.

2. Autant que nous l’a permis la brièveté de notre discours, nous vous avons dit à qui Notre-Seigneur a fait cette promesse et combien elle est assurée : il nous reste donc à comprendre de notre mieux ce qu’il a bien voulu nous promettre. « Ceux que vous m’avez donnés », dit-il, « je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi ». Relativement à la créature dans laquelle il est né de la race de David selon la chair [1] ». Notre-Seigneur n’était pas encore où il devait se trouver plus tard. Cependant il a pu dire : « Où je suis », de manière à nous faire comprendre que bientôt il monterait au ciel, et qu’il se considérait comme étant déjà là où il devait être peu après. Il a pu aussi parler alors dans le même sens que lorsqu’il avait dit à Nicodème : « Personne ne monte au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est du ciel[2] ». Dans ce passage il ne dit pas : qui sera ; mais bien : « qui est », à cause de l’unité de personne par laquelle il est Dieu-homme et homme-Dieu ; il a donc promis de nous faire aller au ciel : c’est là qu’a été élevée la forme d’esclave qu’il a prise dans le sein de la Vierge ; c’est là qu’elle est placée à la droite du Père. Dans l’espérance de posséder plus tard un si grand bien, l’Apôtre lui-même a dit : « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, et, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés ensemble par Jésus-Christ, par la grâce duquel nous avons été sauvés, et en même temps il nous a ressuscités et nous a fait asseoir dans les célestes demeures en Jésus-Christ[3] ». Voici donc quel peut être le sens de ces paroles du Sauveur : « Que là où je suis, ils soient aussi avec moi ». Notre-Seigneur dit lui-même qu’il est déjà au ciel. Pour nous, il dit qu’il veut que nous y soyons avec lui ; mais il montre que nous n’y sommes pas encore. Ce que Notre-Seigneur dit vouloir faire, l’Apôtre en parle comme si cela était déjà fait ; il ne dit pas en effet : Il nous ressuscitera et nous fera asseoir dans les célestes demeures ; mais bien : « Il nous a ressuscités et fait asseoir dans les célestes demeures ». Car ce n’est pas en vain, mais avec certitude qu’il regarde comme déjà fait ce dont l’accomplissement futur ne lui inspire aucun doute. Si, au contraire ; nous voulons comprendre ces mots : « Je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi », dans le sens de la nature de Dieu qui le rend égal au l’ère, éloignons de notre esprit toute pensée d’images corporelles. Que notre esprit écarte son attention ou sa contemplation de toute idée de longueur, de largeur, d’épaisseur et de couleur corporelles, de diffusion en des lieux ou en des espaces finis ou infinis qu’on ne se demande pas où se trouve le Fils qui est égal au Père ; car personne n’a encore découvert l’endroit où il ne serait pas. Mais que quiconque veut demander, demande plutôt à être avec lui ; non pas à être partout comme lui, mais à être n’importe où il soit. Jésus dit au larron, crucifié en punition de ses crimes, mais sauvé en récompense de sa foi : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis[4]. En tant qu’il était homme, son âme devait être le jour même aux enfers, et son corps dans le tombeau. Mais en tant qu’il était Dieu, il était évidemment dans le paradis. Aussi l’âme du larron, lavée de ses crimes et béatifiée par la munificence du Christ, ne pouvait être partout comme lui ; mais le jour même elle put être avec lui dans le paradis, d’où il ne s’était pas éloigné puisqu’il est toujours partout. C’est pour cela, sans doute, qu’il ne lui a pas suffi de dire : « Je veux que là où je suis, ils soient aussi », mais qu’il a ajouté : « avec moi ». Être avec lui, c’est un grand bien. Les malheureux peuvent être où il est, parce que n’importe où ils soient, il y est aussi. Mais les bienheureux seuls peuvent être avec lui ; car ils ne peuvent être heureux que par lui. C’est donc en toute vérité qu’il a été dit à Dieu : « Si je monte au ciel, vous y êtes ; si je descends aux enfers, vous y êtes présent [5] ». Et Jésus-Christ n’est-il pas la sagesse de Dieu, cette sagesse « qui atteint partout, à cause de sa pureté [6] ? » Mais la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres

  1. Rom. 1, 3
  2. Jn. 3, 13
  3. Eph. 2, 4-6
  4. Luc. 23, 43
  5. Psa. 138,8
  6. Sag. 7,24